Note de l’ANASED et de la CNA sur le rôle de la justice en matière commerciale
NOTE
destinée aux rapporteurs et membres de la mission d’information sur le rôle de la Justice en matière commerciale
(Assemblée Nationale)
I – l’ANASED (Association Nationale des Avocats pour la Sauvegarde des Entreprises et leur Développement), comme elle l’avait annoncé lors de son audition le 5 février 2013, a adressé un questionnaire à tous les avocats français, inscrits à un Barreau, à l’adresse électronique de leur Cabinet (ci-joint).
sur ce sondage :
413 questionnaires n’ont pu aboutir, l’avocat n’ayant plus la même adresse électronique en raison de nouvelles adresses non communiquées et de messages d’absence.
Les avocats n’ont pas tous répondu, nombre d’entre eux n’ayant pas d’activité professionnelle relative au droit des entreprises : quelques confrères dans ce cas, avec courtoisie, ont ainsi expliqué qu’ils ne pouvaient répondre utilement.
Enfin, il faut souligner que, seuls les avocats intéressés, en raison de leur spécialisation et leur activité de commercialistes, ont pris le soin de formuler un avis autorisé sur leur pratique habituelle des Tribunaux de Commerce ou de leur Tribunal de Grande Instance écheviné.
Sur ces premiers retours d’informations, l’ANASED exprime quelques remarques générales :
II – la première, indiscutable, c’est que les avocats sont satisfaits de leur juridiction commerciale, qu’elle soit consulaire ou échevinée. Certains ajoutent qu’ils sont très satisfaits des juridictions consulaires et que les greffes de commerce fonctionnent mieux que les greffes civils.
Les jugements sont partout rendus rapidement par toutes les juridictions commerciales.
Il faut souligner que pour les juridictions consulaires importantes, en nombre de magistrats et/ou de décisions rendues, les avocats ayant répondu au questionnaire sont majoritairement contre l’échevinage, qu’ils jugent parfaitement inutile et coûteux.
Cela vise PARIS (forts indices de satisfaction), mais aussi NANTERRE, CRETEIL, BOBIGNY).
De même, TOULOUSE, GRENOBLE, LYON, BORDEAUX, NIMES, MONTPELLIER, CAEN, NICE, MARSEILLE.
Une proportion importante d’avocats souhaite que ce soit la Cour d’Appel qui soit échevinée, soulignant que les problèmes économiques sont mieux appréhendés par les juges consulaires, particulièrement au fait de la vie commerciale et financière.
Une proportion significative d’avocats commercialistes souhaite que les parquetiers soient mieux formés dans les domaines économiques, financiers et sociaux : c’est un aspect de leur rôle dans les procédures relatives aux difficultés d’entreprises qui n’avait, jusqu’à présent, jamais été souligné. Une remarque d’usage, à propos du parquetier présent à l’audience, qui n’est que l’une des parties au procès, c’est qu’il devrait avoir l’obligation d’aviser les autres parties (les avocats dans la cause) de son intervention.
Les possibilités de « dépaysement » d’une procédure sensible dans tel tribunal consulaire d’un autre ressort, ou au moins plus éloigné ou plus important en nombre de magistrats consulaires que celui initialement saisi, ne recueille pas d’avis favorable. Certains avocats souhaitent toutefois que la procédure de récusation soit simplifiée, ce qui faciliterait utilement sa mise en oeuvre lorsque, par exception, elle s’avèrerait nécessaire.
III – Dans ses commentaires, l’ANASED évitera « l’écueil du comparatisme » car les avocats, habituellement présents dans les tribunaux statuant sur tous les problèmes de l’entreprise, ne veulent pas, majoritairement, d’un échevinage systèmatique, comme, dans le même temps, les avocats Alsaciens-Mosellans et d’Outre-Mer, ne veulent pas non plus d’un changement de leur organisation judiciaire de la Chambre spécialisée du tribunal de grande instance (où la représentation des parties par avocat est obligatoire).
Pour éviter des bouleversements coûteux qui ne seraient pas nécessaires et non souhaités par les praticiens, il pourrait être retenu les quelques réformes suivantes :
échevinage à la Cour d’Appel statuant commercialement (exemple cité : comme en matière d’expropriation).
meilleure formation du représentant du Ministère Public, notamment dans les différentes procédures de difficultés d’entreprises.
procédure de récusation simplifiée.
IV – L’ application du décret n° 2008-146 du 15 février 2008.
Peu de réponses reçues car peu d’avocats concernés.
Un avocat a souligné que la suppression de la Chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Bourgoin-Jallieux, au profit du Tribunal de Commerce de Vienne (au lieu de rattacher ces cantons à Grenoble) était critiquée par les chefs d’entreprise, en raison de l’éloignement de la juridiction.
V –
a) Les journaux judiciaires annoncent la parution d’un « manuel théorique et pratique à l’usage des juges-commissaires » rédigé par l’IFFPPC, en partenariat avec le Conseil National des Greffiers (avec le soutien de la Caisse des Dépôts).
Il manque sans doute un manuel semblable destiné aux parquetiers près les Tribunaux (consulaires et échevinés) lesquels, hors les juridictions importantes, ont la charge d’autres lourdes activités judiciaires et totalement différentes.
Un Parquet, fortement spécialisé en matière commerciale, est souhaité par tous les avocats, quelle que soit la forme du Tribunal qui statue.
b) – Les avocats spécialistes du droit de l’entreprise et de sa pathologie, soulignent que les chefs d’entreprise compétents se détourneraient de l’élection aux juridictions consulaires si elles étaient, dorénavant, échevinées : leur expérience de la vie économique est particulièrement retenue dans la bonne appréciation de ces tribunaux (exemple d’appréciations : « justice indispensable, réactive, pragmatique et efficace »).
c) – En utilisant l’expression familière qui rappelle que plutôt que de casser le thermomètre mesurant la fièvre, il vaudrait mieux songer d’abord à guérir celle-ci, les avocats usagers des tribunaux consulaires souhaitent des améliorations des textes de lois eux-mêmes, notamment ceux relatifs aux difficultés d’entreprise.
C’est ainsi qu’au moment de la « Mission WARSMANN », Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT et Antoine DIESBECQ, Membres du Conseil de l’Ordre des Avocats de PARIS et spécialistes du droit commercial, ont suggéré des améliorations des textes sur les points suivants :
séance du Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris du 12 avril 2011 :
Administration provisoire des entreprises
Loi SFA (sauvegarde financière accélérée)
Prêts bancaires
Compétence territoriale
La juste place des crédit-bailleurs
séance du Conseil de l’Ordre des Avocats de Paris du 24 mai 2011 :
Clauses de résiliation ou de résolution d’un contrat pour cause d’ouverture d’une procédure amiable.
Requête en constatation de l’accord de conciliation.
Le délai de 6 mois donné aux comités de créanciers pour se prononcer sur un projet de plan.
Les délais de saisine de la Commission des Chefs de Services Financiers.
La saisie-attribution des créance à exécution successive.
Affectation et remise du prix de cession de l’entreprise.
La désignation du Commissaire à l’exécution du plan.
Les propositions d’amélioration des textes visant ces problèmes ont été avalisées par le Conseil de l’Ordre des Avocats du Barreau de PARIS lors des séances des 12 avril et 24 mail 2011 : elles ont été publiées dans le BARREAU de FRANCE, revue (trimestrielle) de la Confédération Nationale des Avocats, numéros 349 et 351 et mises en ligne sur les sites Internet suivants :
CNA (Confédération Nationale des Avocats) www.cna-avocats.fr
ANASED : www.anased.fr
Ces propositions sont jointes à la présente note.
Les avocats spécialistes du droit de l’entreprise soulignent que ces réformes d’adaptation du droit aux réalités de la vie économique et de sa régulation judiciaire, sont indispensables. Elles ne transforment pas le droit positif : elles amélioreront sa nécessaire efficacité.
d) – SUR LES TRES PETITES ENTREPRISES (TPE)
Peu observées ou considérées, alors qu’elles forment en France la majorité des entreprises, les TPE mériteraient que le législateur s’en préoccupe mieux (« Création et Pérennisation de l’entreprise de petite taille » 2001 – Etude présentée par Me Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT, Conseil Economique et social. Les Editions des Journaux Officiels.
Les avocats spécialistes soulignent que les procédures prévues par le Livre VI du Code de Commerce (sur les difficultés d’entreprises) ne sont guère adaptées aux cas des commerçants personnes physiques et des très petites entreprises.
Une simplification des textes permettrait leur application pragmatique aux TPE et donc le sauvetage de celles-ci, réduisant ainsi les pertes de substance de pans entiers de l’économie de proximité.
VI – L’Association Nationale des Avocats, ANASED, fondée en 1987, est unie à la CNA par un lien confédéral.
La Confédération Nationale des Avocats, CNA, premier syndicat professionnel d’Avocats créé en 1921, s’associe totalement aux travaux de l’ANASED sur la Justice en matière commerciale.
Paris, le 28 février 2013
Jacqueline SOCQUET-CLERC LAFONT
Avocat à la Cour
Présidente de l’ANASED
Présidente d’Honneur de la CNA.
Jean-Louis SCHERMANN,
Avocat à la Cour
Président d’Honneur de la CNA.