La Loi Macron : la CNA interpelle le Parlement
COMMUNIQUE
LOI MACRON :
LA CNA INTERPELLE LE PARLEMENT
Le projet de loi Macron prétend modifier l’exercice de la profession d’avocat et les règles de postulation inscrites dans notre Code de procédure civile. Il est issu d’un rapport de l’Inspection Général des Finances et soutenu par le Ministre des finances. Des spécialistes, des connaisseurs du terrain, n’en doutons pas.
La profession en appelle aux politiques, à une réaction du Parlement.
1 – De nouveaux moyens pour les experts-comptables d’évincer les avocats – La destruction de la proximité des avocats en marche (articles 20 bis et 13 du projet).
La CNA rappelle sa lettre du 9 mars 2015 à tous les sénateurs dont la presse a cité la dénonciation argumentée du risque d’éviction des avocats par les experts-comptables de pans entiers des prestations juridiques.
La loi Macron ferait coup double en permettant aux experts-comptables d’évincer les avocats des PME et PMI et de la clientèle des particuliers peu fortunés (les plus aisés confient leurs comptes et leurs déclarations à un expert-comptable) et en cassant le rapport de proximité entre le Tribunal de Grande Instance et les avocats du Barreau rattaché : moins de services aux démunis et plus de déserts juridiques et judiciaires. Après des déserts médicaux, et administratifs, le déménagement du territoire continuerait. Et si on préférait les vrais outils de la croissance et la compétitivité ?
On prétend créer un souffle modernisateur de concurrence pour que les plus jeunes entrent sur le marché et pour que baissent les prix des services juridiques et judiciaires. Personne ne peut croire qu’il n’y a pas de concurrence entre 60 000 avocats, qu’il n’y a pas de concurrence avec les autres professions juridiques, spécialement les notaires.
Ce n’est jamais assez, il faut que les experts-comptables les concurrencent. Le marché semble l’alpha et l’oméga, certes quand il s’agit seulement du secteur privé.
Il faudrait quand même méditer quelques exemples comme celui de l’ouverture à la concurrence du marché des commissaires-priseurs. Le résultat est que 57 % des ventes mobilières volontaires aux enchères sont monopolisées par 10 % des opérateurs et qu’ils imposent des prix de 20 à 25 % en moyenne contre 14,4 % fixé par le tarif des commissaires priseurs.
Dans les PME et PMI, les cabinets d’expertise-comptable ont un avantage concurrentiel sur les cabinets d’avocats qui les met en position fortement inégalitaire et qu’ils n’entendent pas lâcher en permettant que d’autres fassent des comptes et bilans. Le législateur ne comprendra-t-il pas ce que l’Autorité de la concurrence et des rapports universitaires ont souligné ?
La représentation du justiciable devant le juge par un avocat (= la postulation) n’est pas un archaïsme. Ce serait un recul de supprimer la représentation de proximité existante.
L’aridité et la complexité de la procédure augmentent cependant que les moyens donnés aux juges et greffiers diminuent et chaque barreau attaché au tribunal de grande instance aide magistrats et greffiers comme interlocuteur pour les bonnes pratiques et sert de guide pour ses membres.
La France, pays vaste et très inégalement peuplé, connaît d’importantes différences entre les tribunaux de grande instance selon leurs tailles et leurs localisations. Les plus grands tribunaux sont souvent les plus embouteillés.
La teneur du projet est révélatrice de l’absence d’étude d’impact, d’écoute des professionnels et des justiciables et l’absence d’observation de la multipostulation en vigueur depuis mars 2013 dans les ressorts d’Alès et Nîmes et de Libourne et Bordeaux. Cette observation est pourtant riche d’enseignements.
Il ne tient au surplus aucun compte des perspectives de fusions de cours actuelles destiné à en diminuer le nombre et en accroître l’étendue.
La loi Macron aurait pour effet d’inciter les avocats à déserter les villes petites ou moyennes pour se concentrer dans les grandes villes.
Le terrain enseigne que nos concitoyens les plus démunis et nos petites entreprises ne prennent pas conseil et ne font pas valoir leurs droits quand ils n’ont pas d’avocat et de juge à proximité.
Le maillage du territoire par la postulation existante assure la continuité territoriale du service public de la justice. Distendre ce maillage éloignerait les plus faibles de l’accès au droit et au juge. Le projet de loi Macron menace directement l’application de la loi et l’égalité de la justice pour tous.
2 – Les rapports des avocats avec leurs clients contrôlés par les agents de l’Etat (article 13 du projet).
On voit encore une conséquence du vice originel de confier au Ministère des finances de profondes réformes de la justice quand l’adoption du projet chargerait une grande variété de fonctionnaires habilités à rechercher et constater « dans le respect du secret professionnel » que l’avocat a conclu « par écrit avec son client une convention d’honoraires qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours et débours envisagés ».
Ce projet rendrait applicables à ces recherches et constatations les articles L. 450-1, L. 450-3 à L. 450-4, L. 450-7 et L. 450-8 du code de commerce. Lises-les, lisez les textes réglementaires correspondants, interrogez les praticiens, et vous découvrirez qu’ensuite de l’adoption de cette disposition tout justiciable s’exposerait à faire connaître à tous les services fiscaux, de police, du travail, etc. qu’il s’est confié à son avocat et pourquoi.
Il n’y a pas de démocratie sans le secret professionnel d’avocat et les tyrannies l’ont toujours démontré en le supprimant.
Ce projet de loi, des lois et décrets publiés ou en projet, montrent qu’en France la demande de toujours plus d’outils pour enquêter et poursuivre – légitime volonté d’efficacité des fonctionnaires – se heurte de moins en moins au respect des libertés. Très dure sera la chute si les politiques continuent dans cette voie d’abandon.
Pourtant, des politiques conscients des dangers ne peuvent-ils considérer que déjà notre droit commun traite le contrat entre l’avocat et son client autrement qu’un contrat de droit commun, que le pouvoir disciplinaire et le juge sont là pour faire respecter l’obligation de contrat écrit si elle est imposée ?
Juges et avocats doivent ensemble s’élever contre le dessaisissement de la justice et des instances disciplinaires au profit de toutes sortes de polices et contre l’oubli des fondements de nos libertés.
APPEL SOLENNEL AU PARLEMENT
Ce sera l’honneur du Parlement de reprendre la main, de montrer au peuple – qui se défie tragiquement du politique – qu’il le protège, en rejetant purement et simplement les trois dispositions qui feraient faire un bond en arrière au respect de la loi, à la bonne administration de la justice et à nos libertés.
Paris, le 31 mars 2015
Louis-Georges BARRET
Président
Vincent BERTHAT
Président d’honneur
Retrouvez nous à Marseille les 17 et 18 avril 2015 pour notre Forum de formations sur les rapports de l’avocat et son client.
Programme complet et inscription sur le site : www.cna-avocats.fr