« L’avenir de la profession d’avocat » : Contribution de la CNA (décembre 2016) et Rapport Me Kami HAERI (Février 2017)
APPORT DE LA CONFEDERATION NATIONALE DES AVOCATS (CNA)
AUX TRAVAUX DE LA COMMISSION INSTITUEE LE 20 OCTOBRE 2016
PAR LE MINISTRE DE LA JUSTICE
ET CONFIEE A MONSIEUR KAMI HAERI
SUR « L’AVENIR DE LA PROFESSION D’AVOCAT »
AUDITION DU VENDREDI 16 DECEMBRE 2016
Syndicat créé en juillet 1921, issu de la fusion de l’Association Nationale des Avocats (ANA), du Rassemblement des Nouveaux Avocats de France (RNAF), de l’Association Nationale des Avocats Syndics (ANAS) et confédéré à l’Association Nationale des Avocats pour la Sauvegarde des Entreprises et leurs développements (ANASED) et au Syndicat National des Avocats en Droit Public (SNADP).
PRESENTATION GENERALE
Annoncer leur avenir aux futurs et aux jeunes avocats, c’est leur donner des directions.
La CNA croit qu’il faut entraîner tout le Barreau et non une minorité élue.
Pour cela, il faut unir les composantes.
C’est possible si on montre une direction commune.
Le numérique doit être une chance pour tous et il faut en faire un outil d’unité et de promotion du Barreau.
Le parcours professionnel ne sera garanti ni par un métier immuable ni par des structures d’exercice. Il faut donc prévoir toutes les éventualités du parcours professionnel individuel.
Collaboration, association, développement de la clientèle, même si cela est fait en commun doivent être aussi traités dans la perspective de ce parcours individuel.
Il faut donner à tous, avant d’y entrer, une vision claire de la profession et de la nécessité d’adhérer fortement aux valeurs intemporelles en même temps que de la certitude de devoir s’adapter à des changements seulement entrevus.
L’avocat est un entrepreneur. Sa formation doit le préparer à gérer un cabinet.
L’interprofessionalité est un besoin ancien, les pratiques n’ont pas attendu les réglementations, quand on réglemente il faut montrer de la souplesse et éviter le risque de subordination du Barreau. La CNA demande qu’on n’oublie pas les solutions conventionnelles.
Il ne doit pas s’agir de pacifier des rapports guerriers mais d’allier des professions pour répondre aux attentes des particuliers et des entreprises.
A/ FORMATION INITIALE ET CONTINUE
1 – FORMATION INITIALE : l’école professionnalisante pour un Barreau acteur de premier plan de l’état de droit
1.1 – Contenu contrôlé de la formation initiale
Connaissance du barreau français et comparaison avec les situations et les systèmes étrangers doivent être au programme de la formation initiale.
L’appropriation personnelle de la déontologie doit être une condition d’admission au Barreau. La profession ne revendique pas une morale mais un rôle et une responsabilité dans la société, au plan national et au plan international.
Le droit doit être abordé comme moyen de conseiller et d’assister en justice (focus sur les MARD), et la déontologie interdit de servir l’intérêt privé aux dépens de l’état de droit.
Pour tenir sa place dans la cité, l’avocat doit accéder à un bon niveau de culture générale. Elle doit être contrôlée parmi les conditions d’entrée dans la profession.
1.2 – Formation initiale pluriprofessionnelle
Le diplôme et le titre d’avocat sont recherchés, on quitte la profession en s’en prévalant. Cela peut avoir un prix.
1.3 – Formation à l’international
La globalisation des marchés et des outils, qui réduisent le temps et l’espace commande d’inclure dans la formation initiale et la formation continue la connaissance de l’anglais et, si possible, d’une autre langue étrangère ainsi que la connaissance des autres statuts d’avocat et systèmes juridiques et judiciaires.
Il faut créer un véritable « Erasmus » de la profession d’avocat, en coopération avec les barreaux des autres pays.
1.4 – Stage
La profession d’avocat est un métier s’exerçant sur un marché : le stage comme collaborateur, obligatoire, aide à s’y adapter. Cette collaboration prépare au bon exercice.
2 – FORMATION CONTINUE
L’exercice judiciaire rend nécessaire le développement de modules de formation continue communs avec les magistrats. Une expérience en juridiction, puis compléter les juridictions seraient excellents.
La CNA approuve globalement les projets actuels.
B/ MAITRISE DE L’AVENIR COMMUN ET DE L’AVENIR INDIVIDUEL :
1 – VISION COLLECTIVE :
Pour donner une vision claire de la profession, il faut éviter de se laisser porter par des probabilités.
Les vagues qui secouent le bateau ne guident pas le marin, il les dompte et suit les étoiles. Il n’y a pas de futur certain et il faut donc des directions et des principes.
La CNA a un credo : les droits fondamentaux, des aspirations communes sur toute la planète, la globalisation qui unit les nations sur des bases communes sans abolir les diversités de culture rendent nécessaires les avocats.
Le conseil et l’assistance en justice sont deux faces du même rôle de défenseur qu’assume l’avocat. Ce qui le distingue d’autres juristes est le service dû à l’intérêt général de l’état de droit.
Notre profession doit refuser ce qui banalise l’avocat. Les moyens sont en particulier le port et la défense du titre professionnel, le particularisme de la formation et du contrôle de l’accès au barreau, l’importance donnée au rôle d’intermédiaire entre le juge et le justiciable, le contrôle disciplinaire autonome respecté.
L’avocat exerce, quelle que soit sa structure, une profession libérale.
Sur ce socle commun, la diversité des besoins fait la diversité des métiers d’avocat. Ces diversités donnent à voir une division, toujours exagérée, de notre profession.
La CNA recherche l’unité dans la diversité en refusant de promouvoir une partie de la profession et en sacrifiant le reste. Elle assume son rôle historique de syndicat pour tous.
2 – LE PARCOURS PROFESSIONNEL INDIVIDUEL
La CNA participe avec enthousiasme à la distribution à tous des moyens donnés par les outils numériques. Les futurs et les jeunes avocats doivent savoir qu’ils ne seront jamais remplacés par des robots mais que ces machines et l’intelligence artificielle les feront changer de domaines, de modes d’exercice, voire de profession comme jamais.
La CNA appelle à donner aux jeunes et futurs avocats le goût et les outils du changement tout au long de leur carrière.
C’est en prévision de ce changement, et en observant depuis le début de l’ère numérique l’instabilité croissante des structures qu’il faut recourir à des moyens souples d’organisation de l’exercice professionnel qui permettent d’entrer dans une structure et d’en sortir sans perte pour personne.
La vie professionnelle des avocats, les exemples le montrant se multiplient, n’est pas linéaire. Il faut créer des dispositifs pour assurer la souplesse du changement de structure, la possibilité d’entrer en association et en sortir sans dommages (la CNA a promu avec succès la Société en Participation – SEP). Le besoin de souplesse est illustré par le succès de l’AARPI.
Il faut un minimum de garanties et c’est pourquoi la CNA veut qu’une attention plus grande soit portée au parcours professionnel individuel.
L’aspiration à la sécurité et l’équité rendent nécessaire de compléter par des dispositifs nouveaux le recours à l’assurance contre les accidents de la vie.
L’avocat a en charge, outre sa famille et lui-même, ses clients et ses collaborateurs. Il faut organiser la suppléance de l’avocat en cas d’absence pour maternité et maladie, en recourant à des dispositifs faisant intervenir les ordres et garantissant la continuation du service rendu aux clients et la conservation du cabinet de l’avocat.
Parmi les sécurités, il faut évidemment réformer les règles de solidarité des associés de SCP et SEL et protéger leurs immeubles autant que pour les travailleurs indépendants.
3– L’INTERPROFESSIONNALITE
La CNA estime que les structures vantées comme permettant à la profession de s’adapter aux changements ne peuvent pas être généralisées. La voie contractuelle, sous le contrôle des ordres, est plus adaptée aux changements.
L’interprofessionnalité n’exige pas forcément une structure idoine pérenne qui, au surplus, ne correspond guère à l’instabilité des situations et à la mobilité dans les carrières. Il faut donc leur donner une place alternative et encourager les solutions contractuelles.
C / L’AUTONOMIE NECESSAIRE DU BARREAU
L’avocat doit être fortement identifié par son titre professionnel, sa formation, sa déontologie et ses valeurs qui le distinguent d’un autre juriste, parmi ces valeurs évidemment l’indépendance de l’avocat et cette indépendance consubstantielle exige l’autonomie du Barreau.
Le degré d’indépendance des avocats et celui d’autonomie du Barreau permettent de mesurer le respect des libertés publiques et privées d’un pays.
Profession réglementée ne signifie pas profession dépendante.
La loi définit et aménage la gouvernance de la profession en lui donnant les moyens de son autonomie.
Le besoin d’autonomie de la profession s’étend à tout ce qui soustrait les avocats aux pressions.
Les ordres jouent un rôle essentiel pour la présence des avocats sur tout le territoire.
D/ LA PLACE DE L’AVOCAT
L’avocat est par vocation l’acteur de la solution des litiges
Dans l’intérêt général, il faut étendre les domaines d’assistance obligatoire de l’avocat qui ne doit pas être un acteur subsidiaire de la justice.
Il faut lui donner l’accès le plus large aux fichiers publics (état-civil, immobilier, comptes bancaires, contrats d’assurances) afin de ne pas le mettre dans l’état d’infériorité.