La réputation d’un avocat sur internet
A l’heure du développement exponentiel des nouvelles technologies et du réseau Internet, il est important de s’interroger sur la place de l’avocat dans le monde numérique.
Aujourd’hui, est-il nécessaire de disposer d’un site Internet et de comptes sur les réseaux sociaux pour exister et développer ses activités ? Comment utiliser ces nouveaux outils de manière efficace ? Le métier d’avocat doit-il s’adapter au développement des nouveaux médias pour être compétitif ? Internet possédant également ses travers, la question est également de savoir comment protéger sa réputation face à une diffusion extrêmement rapide des informations sur la toile.
Cet article présente ainsi de manière succincte ces modes de communication qui peuvent se révéler être un véritable atout dans la croissance d’un cabinet d’avocats ou d’un avocat exerçant à titre individuel (1). Néanmoins, dans le développement de leurs activités grâce aux outils numériques, les avocats devront adopter les mesures nécessaires pour protéger leur réputation et réagir de manière adéquate en cas d’atteinte à leur réputation (2).
1. Internet : outil indispensable pour améliorer sa visibilité ?
Internet est devenu aujourd’hui un outil très utile pour les avocats exerçant à titre individuel ou dans un cabinet afin de valoriser leur image et améliorer leur visibilité auprès de leurs clients, prospects et même confrères. Certains avocats disposent d’un site Internet mais utilisent également les réseaux sociaux tels que Viadeo, LinkedIn, ou encore très récemment les réseaux sociaux dédiés à la profession d’avocats pour se faire connaître, étendre leur réseau, développer leur clientèle ou tisser des liens plus étroits dans leurs relations professionnelles.
a. Création d’un site Internet : vitrine du cabinet
De nombreux cabinets d’avocats disposent aujourd’hui d’un site Internet, vitrine permettant de valoriser leur image et promouvoir leurs activités professionnelles. Les sites Internet présentent généralement les rubriques suivantes : présentation du cabinet, équipe : présentation dynamique des avocats (compétences et cursus professionnel), expertise/domaines de compétence, actualités juridiques/publications et contact.
Lors de la visite du site Internet d’un cabinet d’avocats, un client doit pouvoir obtenir les informations dont il a besoin et s’assurer que le cabinet dispose des capacités techniques et humaines pour répondre clairement et efficacement à ses besoins. L’image du cabinet doit être claire, compréhensible et reconnaissable d’où l’utilisation d’un graphisme ergonomique permettant au cabinet de bénéficier d’une véritable identité visuelle.
En l’absence d’une telle identité et d’une facilité d’utilisation, un site Internet peut rapidement devenir un handicap pour un cabinet d’avocat, au contraire de son but premier de promotion. En effet, un site mal réalisé peut ternir l’image d’un cabinet d’avocats. Il est ainsi très important de se doter des moyens nécessaires pour créer un site Internet (ergonomie, fonctionnalités, arborescence, structure, graphisme…) permettant une véritable valorisation du cabinet.
En outre, il est de plus en plus constaté que l’exigence des clients envers leurs avocats va au-delà de la technicité, du professionnalisme et de l’internationalisation. Les clients recherchent d’autres valeurs de la part de leurs avocats telles que la proximité, la créativité, la souplesse ou encore la personnalisation dans leurs relations avec leurs avocats. A cette fin, de nombreux cabinets d’avocats indiquent sur leur site Internet partager ces valeurs dans le but de créer un véritable lien avec les clients et renforcer leurs relations. Certains cabinets dotés de la certification ISO 9001 l’indiquent même clairement sur leur site Internet dans la mesure où cette certification renforce la qualité de leur activité professionnelle et suscite la confiance des clients dans le cabinet et les avocats.
Lorsqu’un cabinet d’avocats ou un avocat exerçant à titre individuel souhaite de doter d’un site Internet, il est enfin important de rappeler que ce site doit être conforme à la déontologie des avocats. Pour mémoire, l’article 131 du décret n°91-1197 en date du 27 novembre 1991 qui énonce que « la publicité est permise à l’avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Les moyens auxquels il est recouru à cet égard sont mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession et communiqués au conseil de l’ordre ».
En parallèle de la création d’un site Internet, certains cabinets et/ou avocats utilisent Internet pour promouvoir leurs activités par le biais des réseaux sociaux et de blogs.
b. Réseaux sociaux/blogs : renforcement de sa visibilité
Les avocats ont de plus en plus tendance à utiliser les réseaux sociaux professionnels ainsi que les blogs afin de renforcer leur visibilité. De nombreux avocats sont ainsi membres des réseaux sociaux professionnels tels que Viadeo ou LinkedIn. Certains cabinets d’avocats disposent même de pages Facebook et de comptes Twitter.
Ces réseaux prennent ainsi de plus en plus d’importance et représentent un canal très utile pour améliorer sa visibilité et étendre son réseau professionnel. Il semblerait néanmoins que les cabinets d’avocats soient encore frileux sur ces réseaux sociaux et n’en fassent encore qu’un usage limité. De nombreux avocats ont créé des profils sur ces réseaux sociaux sans être encore proactifs. Or, une utilisation partielle et limitée des réseaux sociaux par les avocats pourrait également ternir leur réputation auprès des clients et prospects qui pourraient avoir tendance à être séduits par d’autres avocats/cabinets d’avocats présentant des profils plus dynamiques. Il est ainsi très important pour un cabinet d’avocats/un avocat de mettre régulièrement à jour son profil dès lors qu’il(s) décide(nt) de s’affilier à un réseau social.
Les avocats bénéficient également de réseaux sociaux dédiés tels que Vox-Avocats ou Hubavocats. Ces réseaux sociaux sont réservés aux avocats et permettent une mise en contact entre confrères. Ces réseaux proposent aussi des services dédiés très utiles dans la pratique des activités professionnelles : annonces d’emploi, demande de postulation/représentation, demande d’entraide, échanges avec les confrères sur des points de droit et de procédure, permanences/GAV, documentations, rédaction d’articles sur des questions juridiques… Ces réseaux sociaux sont de bons outils pour rapprocher les avocats de barreaux différents et améliorer l’entraide entre confrères.
L’utilisation de réseaux sociaux professionnels et de réseaux sociaux dédiés à leur profession montre ainsi le souhaite croissant des avocats d’utiliser les réseaux comme tremplin pour développer leurs activités professionnelles et bénéficier d’un véritable réseau entre confrères.
En outre, de nombreux avocats ont aussi créé des blogs personnels ou partagés avec plusieurs confrères. Ces blogs sont des espaces d’échanges entre avocats et internautes permettant le dialogue sur des sujets d’actualités, des problématiques juridiques spécifiques ou encore fournissant des conseils pratiques aux internautes.
Ces échanges assurent la promotion d’une image des avocats plus proche des citoyens, partageant leurs inquiétudes et leurs préoccupations. Par ces échanges, les avocats se font également connaître sur Internet par le bouche à oreille des internautes, améliorant leur visibilité.
Néanmoins, il est utile de rappeler que les internautes peuvent utiliser les blogs comme des espaces où il est possible de s’exprimer librement. Il est ainsi important pour les avocats de bien contrôler les commentaires des internautes afin de s’assurer du respect de la loi et éviter que leur responsabilité puisse être engagée.
Par conséquent, le réseau Internet ainsi que les réseaux sociaux et les blogs peuvent s’avérer être de véritables atouts pour les cabinets d’avocats/avocats exerçant à titre individuel pour promouvoir leur image et améliorer leur visibilité.
Néanmoins, tout en étant un vecteur à forte valeur ajoutée, le réseau Internet a également ses travers et présente des risques liés notamment à la sauvegarde de sa réputation sur Internet, la « e-reputation ».
2. Internet et atteinte à la réputation « e-reputation »
Le réseau Internet et les différents modes de communication permettent une diffusion extrêmement rapide de l’information, que cette information soit positive ou négative, d’autant plus qu’en l’absence d’un véritable droit à l’oubli, les dommages causés peuvent malheureusement se prolonger dans le temps et l’information litigieuse peut ressortir plusieurs années après les faits à l’origine de l’atteinte à la réputation.
Actuellement, les entreprises ont conscience de la nécessité de protéger leur réputation et adoptent de plus en plus de mesures pour limiter les risques d’atteinte et promouvoir leur réputation sur Internet « e-reputation ». A l’instar des entreprises, les avocats doivent être sensibilisés à ces risques.
a. Risque d’atteinte à sa réputation sur Internet
Très récemment, suite à certains évènements repris par les médias, la télévision, la radio et surtout sur Internet, de nombreuses sociétés multinationales françaises et étrangères ont dû faire face à des attaques très virulentes sur Internet qui ont gravement porté atteinte à leur réputation. Lors de ces évènements, certaines sociétés ont mis en place une stratégie de communication très efficace pour endiguer l’atteinte à leur réputation sur leur site Internet (par exemple création d’une fenêtre dédiée sur le site Internet avec raccourci sur la page Facebook de la société) et sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter), en répondant aux atteintes portées par les internautes. Ces sociétés ont souhaité faire face aux critiques et y répondre de manière constructive en expliquant les origines des difficultés/dommages rencontrés et les solutions mises en œuvre pour les éradiquer et éviter qu’elles ne se prolongent dans le temps ou se reproduisent. Les entreprises ayant adopté une position plus opaque ont fortement été critiquées sur la toile. Les internautes souhaitent, en effet, qu’un véritable dialogue soit instauré avec ces sociétés lorsqu’elles font face à ces crises.
Pour améliorer leur image et réagir de manière adéquate et proactive en cas de crise, les entreprises se dotent de plus en plus de « community managers » chargés de diffuser des informations et contenus positifs par le biais des différents modes de communication sur Internet (réseaux sociaux, blogs, forums…) dont ils disposent. Ces community managers sont très implantés sur ces différentes plateformes et ont une très bonne connaissance de leur fonctionnement et de leurs règles.
Certains cabinets d’avocats disposent d’un département dédié ou font appel à des sociétés extérieures pour assurer la communication et la promotion du cabinet. Dans le cadre de leurs missions, ces acteurs pourraient, en cas d’atteinte à la réputation d’un cabinet, réagir de manière efficace et devenir les interlocuteurs privilégiés des internautes sur la toile.
La réputation d’une entreprise sur Internet est, par conséquent, fragile, elle peut se faire puis se défaire très rapidement. Les avocats ne sont pas à l’abri de mauvaises publicités. Toute personne, personnes physiques ou PME/multinationale, peut faire l’objet de commentaires/d’articles/de critiques très négatifs portant gravement atteinte à sa réputation professionnelle. Il est ainsi très important pour les avocats de prendre conscience de ces risques et d’adopter les mesures adéquates en amont et en aval pour protéger leur réputation et éviter une perte de confiance des clients à leur égard.
b. Solutions envisageables pour protéger sa réputation sur Internet
Il est possible pour un cabinet d’avocats d’utiliser l’arsenal juridique qui est à sa disposition pour défendre ses droits et mettre fin à l’atteinte à une éventuelle atteinte à sa réputation. Un cabinet peut également mettre en place des procédures interne afin de limiter le risque d’atteinte à sa réputation.
En cas d’atteinte à sa réputation, un cabinet d’avocats dispose de plusieurs fondements juridiques pour y mettre fin. Sur le fondement de la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (« LCEN ») en date du 21 juin 2004, en cas d’atteinte à sa réputation, il est possible d’exercer son droit de réponse ou contacter l’éditeur du site Internet afin de lui demander la suppression du contenu litigieux (l’éditeur du site est responsable du contenu éditorial du site). En l’absence de réponse de la part de l’éditeur du site, il est également possible de demander à l’hébergeur du site Internet de supprimer le ou les contenu(s) manifestement illicite(s). La notification doit respecter un certain formalisme et comporter les mentions prévues à l’article 6.I.5° de la LCEN pour être opposable à l’hébergeur.
Lorsque l’atteinte peut être qualifiée d’injure ou encore de diffamation, il est possible d’agir sur le fondement de la Loi de 1881 sur la liberté de la presse. Pour mémoire, le délai de prescription de cette action est très court sur Internet, il est de trois mois à compter de sa première mise en ligne.
D’autres actions sont encore possibles sur les fondements de l’atteinte à la vie privée (articles 226-1 et 226-2 du code pénal), violation du droit à l’image (article 9 du code civil) ou encore depuis la Loi LOPPSI II en cas d’usurpation de son identité numérique (article L. 226-4-1 du Code Pénal). Il est enfin envisageable d’engager la responsabilité délictuelle de l’auteur des faits et solliciter ainsi le paiement de dommages et intérêts.
Par ailleurs, un cabinet d’avocats peut également mettre en place des procédures internes afin de protéger sa réputation notamment afin d’éviter des atteintes de la part de son personnel, volontaires ou involontaires, faute d’information. Il est possible d’adopter une charte informatique ou un guide de bonnes pratiques ayant pour fonction d’informer le personnel de leurs obligations au regard de la protection des informations et données personnelles, de la sécurité du système d’information, de l’utilisation des outils informatiques (ordinateurs, téléphones portables, tablettes numériques, clés USB, CD, DVD), de la bonne utilisation du réseau Internet ou encore de la messagerie professionnelle mise à leur disposition. Il est aussi important de rappeler que le personnel est tenu à une obligation de discrétion et de confidentialité sur et en dehors de leur lieu de travail.
Au regard des dernières jurisprudences concernant la cybersurveillance, notamment les décisions relatives à la sanction de salariés ayant dénigré leur employeur sur les réseaux sociaux ou les blogs, la mise en place de telles mesures est un bon moyen pour un cabinet de limiter les atteintes à sa réputation et faire preuve de pédagogie à l’égard de son personnel.
Clémence PHILIPPE
Barreau de PARIS.