Lettre de la CNA aux Bâtonniers

20 juillet 2012

Madame, Monsieur le Bâtonnier,

Nous nous permettons de nous adresser à vous au moment où se poursuit la réflexion de la profession sur sa gouvernance et sur les modifications sur le mode électoral du CNB, notamment à la Conférence des Bâtonniers, pour vous rappeler les positions de la CNA sur ces sujets.

Aujourd’hui nous constatons que le système électoral des membres du CNB se traduit par une sous représentation considérable des moyens et petits barreaux.

Vous êtes le Bâtonnier de l’un  des 128 moyens et petits barreaux qui au 1er janvier 2011 regroupaient 14.205 avocats, or ces 128 barreaux et ces 14.205 ont 12 élus au Conseil National des Barreaux lorsque 21 grands et moyens barreaux qui regroupaient au 1er janvier 2011  13.890 avocats , soit un nombre à peu près identique d’avocats, ont 26 élus !

Des avocats considèrent que le CNB ne les représente pas, cette analyse leur donne raison.

La CNA propose de créer des circonscriptions démographiques qui assureraient une juste représentation de tous les barreaux et de tous les avocats au sein d’un CNB qui doit être le lieu de l’unité de la profession.

Avant d’en venir à ce sujet il nous semble nécessaire d’évoquer préalablement et rapidement d’autres questions ayant trait précisément à la manière dont notre profession est se gouverne.

L’une des premières questions que l’on peut se poser sur la gouvernance est de savoir si en réalité la profession restera maitresse de sa propre gouvernance, ou si, comme cela s’est produit en Angleterre la dérégulation ne nous dépossédera pas  de celle-ci, c’est-à-dire de la discipline et du tableau.

La situation anglaise révèle que la mise sous tutelle de la profession par des organismes indépendants ou gouvernementaux dans lesquels les professionnels vont devenir minoritaires, a pour origine l’absence de contrôle sur le terrain des professionnels, la Law Society ayant tout concentré à Londres, les structures locales n’ayant plus eu d’efficacité notamment en matière disciplinaire.

Lors d’une manifestation professionnelle à Varsovie, Jean-Louis SCHERMANN, co-signataire de cette lettre a pu justifier  la pertinence de notre déontologie et  de la gouvernance de la profession par elle-même en se fondant sur les jurisprudences de la CJUE, du Conseil Constitutionnel et de la Cour de Cassation.

Nous vous joignons  le texte de cette intervention ainsi que le rapport sur la gouvernance, adopté par la CNA en juin 2010,dans sa version actualisée ainsi que l’article paru dans la « Gazette du Palais » de juillet 2011 sur  les propositions de la CNA. Dans les annexes du rapport les modifications législatives et réglementaires à opérer au regard de ces propositions sont rédigées.

La CNA y rappelle  son attachement aux barreaux et son opposition aux barreaux de cour, elle propose également l’instauration d’un referendum d’initiative professionnelle afin que sur les grands sujets de la profession les avocats puissent directement se prononcer.

Les ordres locaux sont indispensables sur les plans disciplinaires et déontologiques, tout comme pour la communication et la visibilité de la profession localement.

Cela n’est pas contradictoire avec l’idée de tout mettre en œuvre pour aider les barreaux qui volontairement voudraient se rapprocher et mutualiser les moyens et les charges des ordres, ni avec la nécessité pour certains fonctions ordinales d’arbitrage entre avocats d’assurer aux parties le recours à un  juge impartial, notamment lorsque le conflit a des conséquences financières importantes.

Sur la question du système électoral la CNA soutient le maintien des deux collèges actuels, ordinal et général, en raison des missions déontologiques et politiques du CNB, pour les premières l’expérience au sein des ordres est indispensable pour que les secondes les élus doivent procéder d’un collège composés de tous les avocats.

Dans chaque collège propose la création de circonscriptions démographiques.

Il faut retenir que la loi sur la profession dispose en son article 21-2 : En cas de pluralité de circonscriptions, la répartition des sièges à pourvoir entre les circonscriptions est proportionnelle au nombre des avocats inscrits dans chacune d’elles.

Ainsi à coté de 2 circonscriptions « géographiques » pour Paris, qui est aussi démographique puisque Paris est assuré d’avoir un nombre d’élus proportionnel à son poids démographique et l’outre mer (8 barreaux),  la CNA soutient l’idée de 3 circonscriptions démographiques pour la métropole hors Paris.

Il faut d’abord  considérer que trois barreaux ont  un nombre d’avocats supérieur au quotient  nombre d’avocats divisé par le nombre de membre du CNB par collège (qui passerait à 41 pour assurer la représentation de l’outre-mer soit 84 membres du CNB avec les 2 membres de droit).

Il s’agit des barreaux de Lyon, Nanterre et Marseille.

Il serait normal que ces barreaux soient assurés d’avoir au moins un élu par collège, voire 2 à Lyon.

A coté de ces 3 barreaux il reste deux groupes de barreaux.

En prenant les chiffres de la démographie de la profession au 1er janvier 2011 nous aboutissons à :

Trois grands barreaux de province qui ont plus d’avocats inscrits que le ratio nombre d’avocats français divisé par le nombre de membre du CNB composant le collège général (57 638/ 41= 1406) :

 

Lyon                                       2520

Nanterre                                1937

Marseille                               1805

6262 avocats

 

21 barreaux qualifiés de grands moyens barreaux regroupent 13.890 avocats à savoir :

 

Bordeaux

1270

Versailles

709

Rouen

473

Toulouse

1265

Aix en Provence

669

Pontoise

421

Nice

1029

Grasse

601

Toulon

403

Lille

1017

Rennes

601

Clermont-Ferrand

378

Montpellier

 904

Bobigny

527

Caen

336

Strasbourg

 826

Grenoble

525

Nancy

333

Nantes

 754

Créteil

521

Evry

328

Les 128 autres barreaux regroupent  14.205 avocats         qualifiés de moyens et petits barreaux

 

Le déséquilibre de représentation des moyens et petits barreaux par rapport aux grands barreaux s’est aggravé entre les élections de 2008 et 2011 (voir ci-après).

Le scrutin prôné par la CNA assure une juste représentation de tous les barreaux et de tous les avocats.

Il est également proposé que des barreaux qui considéreraient avoir des intérêts communs pour leur représentation au CNB pourraient se regrouper pour atteindre le ratio actuellement atteint par Lyon, Nanterre et Marseille, ce pourrait être le cas par exemple de Nice et Grasse.

Le CNB serait alors composé outre des deux membres de droit :

Paris  17 élus dans chacun des deux collèges

Outre-mer * 1 élu dans chaque collège

 

Grands Barreaux*

Lyon    2 élus dans chaque collège

Nanterre 1 élu dans chaque collège

Marseille 1 élu dans chaque collège

21 Grands et Moyens barreaux 9 élus dans chaque collège

128 Moyens et Petits barreaux 10 élus dans chaque collège

* scrutin uninominal dans le collège général alors que dans les autres circonscriptions il s’agira d’un scrutin de liste, le code électoral valide cette distinction (voir le rapport CNA avec l’exemple des élections sénatoriales)

Si l’on reprend les résultats des élections au CNB en  2008 et en 2011 en comparant le système électoral actuel et celui proposé par la CNA nous obtenons:

En 2008 mandature 2009-2011

                                                                       CNB 2009-2011          PROPOSITION CNA

Grands Moyens    Barreaux                                     25 élus                                   18 élus

 

Moyens et Petits Barreaux                                      14 élus                                   20 élus

               

En 2011 mandature 2012-2014                                      CNB 2012-2014         PROPOSITION CNA

 

LYON                                                                        4 élus                           4 élus

Nanterre                                                                    2 élus                          2 élus

Marseille                                                                    3 élus                          2 élus

21 Grands et moyens barreaux                                    26 élus                        18 élus

128 Moyens et Petits barreaux                                     12 élus                          20 élus

 

En d’autres termes les élus des petits moyens barreaux représentent chacun 1.184 avocats lorsque ceux des grands et moyens barreaux représentent chacun  534 avocats et que les 32 élus parisiens représentent chacun 728 avocats.

Ce rapport et cette analyse ont été adressés au Président FORGET après que celui-ci les ait demandés à l’issue de l’audition en mai 2012  des propositions des organisations et institutions membres du CNB à l’occasion de laquelle les idées de la CNA ont été rappelées.

Nous voudrions conclure cette lettre par une réflexion sur le fonctionnement du CNB.

Par définition aucune des composantes du CNB ne peut imaginer obtenir la majorité d’un conseil national dont la moitié des membres appartient au collège ordinal l’autre au collège général.

Pour nous le bureau du CNB doit exécuter les décisions de l’assemblée générale composée de tous les membres du CNB, qui elle-même doit toujours rechercher l’assentiment du plus grand nombre, voire comme le propose la CNA interroger directement les avocats.

Le bureau du CNB ne doit pas chercher à imposer ses vues, comme nous l’avons vu par le passé ( voir dans article ci-joint dans la « Gazette du Palais » le rappel de la poursuite du soutien de la création d’un statut de l’avocat salarié en entreprise malgré le fait que l’assemblée du CNB ne l’ait pas approuvé ).

C’est au bénéfice de ces réflexions que la proposition de l’élection du président du CNB au suffrage universel de tous les avocats que promeut la FNUJA et que le Conseil de l’Ordre de Paris reprend aux termes d’une résolution du début du mois, doit être rejetée.

Un président du CNB élu par tous les avocats pour la durée de la mandature du CNB, c’est sans doute un bon argument de campagne et de communication, mais ce ne serait certainement pas bon pour le fonctionnement du CNB et pour la gouvernance de la profession.

Immanquablement autour de ce président se constituera une majorité mais qui ne sera jamais que relative pour les raisons exposées ci-dessus. Dès lors de deux choses l’une, ou bien il n’aura servi à rien d’élire le président au suffrage direct des avocats ou bien ce président imposera ses idées en faisant fi de la volonté de l’assemblée du CNB, ou en jouant le bureau contre l’assemblée générale ou le contraire ; l’impuissance à gérer non pas un pays mais une profession deviendra la réalité.

Enfin sachez qu’au début de cette mandature la CNA a écrit au Président CHARRIERE-BOURNAZEL pour qu’à l’instar de l’action menée depuis 20 ans par le CNB pour défendre et développer l’activité juridique des avocats soient engagée une véritable stratégie de défense et de développement du judiciaire.

C’est en effet par des actions menées dans l’intérêt de nos confrères mais aussi pour dans l’intérêt de tous nos concitoyens que la bonne gouvernance de la profession est assurée.

Nous tenions à vous faire part de nos propositions sur ces sujets qui sont actuellement débattus à la Conférence des Bâtonniers.

Nous vous prions de nous croire vos bien dévoués confrères,

 

Heidi RANCON CAVENEL
Présidente 

Jean -Louis SCHERMANN
Président d’honneur de la CNA

 

Pièces jointes transmises par courriel

Rapport sur la gouvernance
Article paru dans la «Gazette du Palais » juillet 2011
Intervention à Varsovie 16 avril 2012
Lettre au Président CHARRIERE BOURNAZEL    

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