Le démarchage déontologiquement correct
LE DEMARCHAGE DEONTOLOGIQUEMENT CORRECT
D’abord, peut-il exister… ce démarchage… conforme au principe de la profession d’avocat ?
Même pour un esprit progressiste, le « démarchage » de clients potentiels par l’avocat constitue une hérésie déontologique.
Même l’évocation de l’ouverture d’une discussion ou d’une réflexion à propos de l’opportunité de l’introduction, dans un cadre déontologique, d’une possibilité d’offre de prestation de service juridique directe à une clientèle qui ne l’a pas, a priori, sollicitée, provoque des réactions d’une particulière dureté.
Immédiatement, l’initiateur d’un tel projet est accusé d’intention mercantile, d’atteinte grave au fondement oral de l’exercice professionnel et d’une évidente perte de toute autorité ou considération…
Un tel grief est-il pourtant légitime alors même que la société exige l’insertion d’une politique de précaution, y compris dans le domaine des risques et donc des prestations juridiques.
La Confédération Nationale des Avocats, syndicat exemplairement vigilant et scrupuleux à l’endroit des règles professionnelles et déontologiques a ouvert le débat lors de son congrès de Grenoble les 18 et 19 mai 2001.
L’ACE, Association Française des Avocats Conseils d’Entreprises, a adopté lors de son congrès de Nantes le 19 octobre 2001 une motion tendant à solliciter des institutions professionnelles, du législateur et du Conseil National des Barreaux, une réflexion tendant à la révision du principe d’une prohibition absolue du démarchage.
Dès lors, il s’impose d’apprécier s’il est concevable d’adapter, par des contraintes et un encadrement nécessaire un démarchage « déontologiquement correct » ou d’en maintenir l’actuelle prohibition sous peine de sanctions pénales et déontologiques sévères.
I. La prohibition du démarchage en droit positif
La source de l’interdiction du démarchage à l’avocat est liée à l’interdiction de la publicité.
Les dispositions relatives au démarchage et à la publicité sont regroupées dans les mêmes textes législatifs ou réglementaires.
Jusqu’à une date assez récente, le recours à la publicité demeurait interdit à l’avocat. Aujourd’hui, les règles applicables ont été assouplies, mais le démarchage demeure prohibé.
A. Historique/ Origine
L’interdiction du démarchage est corollaire à l’interdiction de faire de la publicité.
1. La nature spécifique de la profession d’avocat.
Selon John G. Fish, « le racolage est le fait, pour un avocat, de démarcher directement ou par l’entremise d’un intermédiaire une personne qui ne fait pas partie de sa clientèle habituelle dans l’intention de faire des affaires avec cette personne »[1].
L’aversion traditionnelle des avocats pour la publicité repose sur l’idée qu’il s’agit d’un moyen déloyal d’attirer ou de « racoler » les clients et que ce comportement n’est pas digne de la profession.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour justifier de l’interdiction au recours à la publicité et au démarchage.
a) Tout acte de commerce du droit serait une faute pour l’avocat.
Durant longtemps, le droit n’était pas considéré comme un marché pour l’avocat, qui estimait ne pas être un « marchand de droit ». L’avocat se situait au-delà du commerce.
Rappelons que dans l’ancienne Rome, l’orator n’acceptait pas une rémunération de ses peines, il ne refusait cependant pas un témoignage de reconnaissance (Palmarium).
Mais, l’évolution de son environnement a poussé l’avocat hors du piédestal qu’il s’était dressé, pour l’orienter vers le statut de prestataire de services, soumis à la concurrence.
Confrontés aux exigences d’un monde moderne, les avocats reconnaissent depuis peu l’existence du marché du droit et la nécessité de la recherche du client, malgré le principe du désintéressement.
Néanmoins, « le courant conservateur de la profession considère encore que les avocats ne sont pas des marchands de droit dont la prestation n’est qu’un produit intellectuel comme un autre, puisque leur activité participe à la paix sociale, au contrôle et au respect de la règle, à l’égard de l’individu, il participe enfin au respect des libertés publiques ».
Pour ce courant, « ramener cette activité à une simple et unique activité marchande, c’est lui retirer toute sa dimension sociale spécifique »[2].
Par conséquent, faire du commerce est pour l’avocat considéré comme une faute. Il ne peut y avoir dans ses actes ou lors de son assistance juridique un caractère mercantile[3]. L’interdiction du démarchage permet d’éliminer de la profession un certain caractère commercial ou mercantile.
b) La fonction publique exercée par l’avocat dans l’administration de la justice.
L’interdiction de faire de la publicité ou du démarchage est justifiée par le caractère particulier de cette profession, dans la mesure où elle participe à l’exercice d’une fonction publique, l’administration de la justice. La dignité des avocats et « le prestige de la profession », liés à l’exercice de cette charge, s’accommodent mal de la publicité.
c) Le respect de la déontologie.
L’honneur, la loyauté, l’indépendance, la confidentialité, la dignité et la délicatesse sont pour l’avocat des devoirs impérieux. Les avocats prêtent serment en ces termes :
« Je jure comme avocat d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité »[4].
La dignité à laquelle l’avocat est tenue vis à vis de son client l’oblige à éviter tout ce qui pourrait affaiblir le respect qu’il doit inspirer. C’est pourquoi, l’avocat ne doit se livrer à aucun démarchage de clientèle, cette interdiction permet de maintenir le caractère digne de la profession.
« En sa qualité d’auxiliaire de la justice, l’avocat bénéficie du monopole et de l’immunité de plaidoirie, mais il doit faire preuve de discrétion, d’honnêteté et de dignité dans sa conduite. Les limitations de la publicité et du démarchage trouvent traditionnellement leur source dans ces particularités », c’est ce qu’a indiqué la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans le célèbre arrêt Casado Coca[5].
d) Protection des jeunes avocats et des petits cabinets : conditions égales pour tous.
Les jeunes avocats et les petits cabinets n’ont pas les moyens financiers de faire de la publicité. Interdire d’y recourir permet des conditions égales pour tous lors du choix du consommateur.
Les opposants à une publicité trop libérale développement une argumentation fondée sur la nécessité pour les instances professionnelles de faire respecter une sorte d’égalité de chance entre les avocats.
Il est soutenu que comme la robe qui dissimule une inégalité vestimentaire potentielle susceptible de porter atteinte à l’égalité professionnelle, l’interdiction ou la limitation de la publicité aurait la vertu de brider la puissance économique des avocats les plus dynamiques et donc de protéger les plus faibles[6].
Le critère de l’usager de droit se base ainsi sur des critères objectifs (exemple : la qualité de la prestation ) et non, sur des critères subjectifs lors de son choix.
2. La réforme de 1971 organisant la nouvelle profession d’avocat
L’évocation de l’interdiction du démarchage se trouve dans l’article 75 de la loi du 31 décembre 1971 :
« Il est interdit à toute personne de se livrer au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité est subordonnée au respect des conditions fixées par décret ».
Le décret 72-785 du 25 août 1972 définit ce qu’est le démarchage :
« Constitue un acte de démarchage au sens de l’article 75 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 le fait d’offrir ses services en vue de donner des consultations ou dé rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ».
Cet article 75 est sous le titre III Dispositions diverses de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires.
A préalable il faut rappeler que cette loi n’a constitué qu’une mini-réforme alors qu’il avait été question d’une grande réforme des professions judiciaires et juridiques. En effet, le projet avait l’ambition de mettre en œuvre la « Grande Profession » unissant tous les professionnels du droit.
La réforme de 1971 n’a traité que de la fusion de la profession d’avocats, avoués et agrées et l’élaboration d’une déontologie nouvelle. Le Titre III constitue à lui seul cette petite réforme laquelle n’avait nullement pour objet de créer une nouvelle corporation de juristes qui viendrait s’ajouter aux catégories déjà trop nombreuses. C’est pourquoi, il n’a été prévu ni constitution d’un ordre, ni institution d’un organisme fédérateur des professionnels du droit.
La réforme se limitait à définir des conditions de moralité et d’aptitude et à fixer quelques règles déontologiques en ce qui concerne les garanties de responsabilité professionnelles, l’interdiction de démarchage et une étroite limitation de la publicité[7].
La question était de savoir si les conseillers juridiques devaient-ils ou non continuer à exercer leurs activités.
Les conseillers juridiques ont exercé une branche du droit que les avocats à l’époque ont délaissé. Comme tous les conseillers en matière de gestion de patrimoine, de brevet…, ils usaient de la publicité et du démarchage pour se faire connaître auprès du public.
A l’occasion du vote de l’article 75, Monsieur Delachenal avait déposé un amendement qui précisait[8] :
« Est interdite toute publicité exercée en vue de capter une clientèle au profit d’une personne physique ou morale donnant des consultations juridiques ou offrant son concours pour la défense des usagers devant une juridiction ».
Il estimait en effet qu’il était scandaleux que certaines officines fassent de la publicité soit par lettre, soit par tout autre moyen, en vue de capter une clientèle et indiquait que cette concurrence déloyale pourrait être préjudiciable aux avocats qui sont tenus par des règles de déontologie et qui ne peuvent faire aucune publicité en la matière sans encourir les peines de l’ordre.
Pour laisser à l’usager la possibilité de consulter un conseiller juridique, il était incontestable que les méthodes usuelles de la publicité devaient être interdites.
De ce fait, la nouvelle profession et les conseillers juridiques avaient une égalité de chance dans le libre choix de l’usager ; le choix doit être fait non en fonction de la publicité, mais de la capacité.
Nous pouvons dire que l’article 75 a été rédigé pour créer une situation égalitaire entre toutes les professions juridiques et judiciaires lors de la proposition de la fourniture de service juridique.
3. La réforme de 1991 organisant la fusion avocats et conseillers juridiques
La loi du 31 décembre 1990 a fusionné les avocats avec les conseils juridiques, elle a fait un pas dans le sens initié de 1971, sans pour autant achever le trajet vers une profession unique.
L’article 66 de la loi est identique à celui qu’il remplace, l’article 75 de la loi du 31 décembre 1971 prohibant le démarchage. Il n’est ajouté au texte précédent qu’une incise : « toutes publications aux mêmes fins est subordonnée au respect des conditions fixées par décret ».
Le gouvernement, suite aux évolutions jurisprudentielles[9] de la CEDH et l’exemple de la pratique des professions judiciaires des autres pays de l’Union Européenne, a adopté les articles 161 et 162 du décret du 27 novembre 1991 pris en application de la loi de 1990 et a fait évoluer les dispositions réglementaires relatives à la publicité.
L’article 161 affirme clairement que la publicité et permise dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information, les moyens auxquels il est recouru à cet effet étant mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession et communiqués au Conseil de l’Ordre, tout acte de démarchage ou de sollicitation étant interdit à l’avocat.
Les grands principes sont maintenus :
La publicité personnelle de l’avocat est permise dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information.
Elle doit être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse.
L’acte de démarchage ou de sollicitation est toujours une forme prohibée de publicité. Il convient de relever qu’a été ajouté un alinéa précisant que cette prohibition concerne les offres et propositions faites par » tous moyens techniques de communication à distance » ce qui n’était pas prévu dans le précédent texte[10] qui ne visait que le support papier.
B. Contenu de l’interdiction.
1. Les textes
L’article 75 de la loi du 31 décembre 1971 interdit à toute personne de se livrer au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité est subordonnée au respect des conditions fixées par décret.
L’article 66 de la loi est identique à celui qu’il remplace, l’article 75 de la loi du 31 décembre 1971 prohibant le démarchage. Il n’est ajouté au texte précédent qu’une incise : « toutes publications aux mêmes fins est subordonnée au respect des conditions fixées par décret ».
Cette interdiction s’applique aux avocats comme à toute autre personne physique ou morale.
L’article 90 du décret n°72-468 du 9 juin 1972, relatif à l’organisation de la profession d’avocat, précise que tout acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l’avocat.
Le décret n°72-785 du 25 août 1972, relatif au démarchage et à la publicité en matière de consultation et de rédaction d’actes juridiques, définit ce qu’est un acte de démarchage (article 1er) et incrimine de sanctions pénales toute personne qui se livre au démarchage.
L’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1991 reprend les termes de l’article 5 du décret n°72-785 du 25 août 1972 et énonce :
« Sera puni des peines prévues à l’article 72 quiconque se sera livré au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique. Toute publicité aux mêmes fins est subordonnée au respect des conditions fixées par le décret visé à l’article 66-6 ».
Ainsi l’article 72 de la loi fixe des peines sévères :
« Sera puni d’une amende de 30.000 Francs, et en cas de récidive d’une amende de 60.000 Francs et d’un emprisonnement de 6 mois, ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque aura, n’étant pas régulièrement inscrit au barreau, exercé une ou plusieurs des activités réservées au ministère des avocats dans les conditions prévues à l’article 4 sous réserve des conventions internationales ».
2. L’interdiction du démarchage.
L’article 1er du décret 72-785 du 25 août 1972 définit ce qu’est le démarchage :
« Constitue un acte de démarchage au sens de l’article 75 de la loi susvisée du 31 décembre 1971 le fait d’offrir ses services en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matière juridique ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement ou en envoyant un mandataire soit au domicile ou à la résidence d’une personne, soit les lieux de travail, de repos, de traitement ou dans un lieu public ».
Ce texte s’applique dans le secteur déterminé de la rédaction d’actes et indistinctement à tout professionnel. Tout « démarcheur » qui offre le service de la consultation juridique ou de la rédaction d’actes est visé par le texte. Ce texte vise une démarche directe, d’homme à homme.
A ces règles se superposent les dispositions propres à l’avocat et portant sur l’ensemble de ses activités. Reprenant l’article 90 alinéa 2 du décret du 9 juin 1972, l’article 161 du décret du 27 novembre 1991 dispose :
« La publicité est permise à l’avocat dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Les moyens auxquels il est recouru à cet effet sont mis en œuvre avec discrétion, de façon à ne pas porter atteinte à la dignité de la profession, et communiqués au conseil de l’ordre. Tout acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l’avocat. »[11]
Notons que quelques modifications sont intervenues au sujet de la publicité avec le décret du 27 novembre 1991. Il en est ainsi de la notion de discrétion qui a disparu, car probablement en contradiction avec le principe même de publicité. Il en est de même du principe de probité qui n’est plus mentionné, qui faisait probablement double emploi avec les principes essentiels déjà mentionnés.
Tout acte de démarchage ou de sollicitation est interdit à l’avocat. Ce texte vise exclusivement l’avocat et le texte condamne le démarchage et la sollicitation. Il est essentiellement interdit à l’avocat de capter une clientèle de manière directe ou de tenter d’amener vers lui de nouveaux clients.
La définition de l’article 1er du décret est une définition extensive et spécifique, selon Daniel Fortin[12]. Le texte donne à l’interdiction du démarchage une rigueur et un domaine bien supérieurs à ceux de la loi du 22 décembre 1972 réglementant le démarchage à domicile. Il cite à titre d’exemple : c’est toute sollicitation directe ou indirecte, quel qu’en soit le moyen, qui est prohibé.
Le démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes est sanctionné par une contravention de 5ème classe. Il se trouve réprimé aussi sévèrement que l’exercice illicite d’activités professionnelles du domaine du monopole de l’avocat.
La publicité est donc libre dès lors qu’elle n’est pas liée à un démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes juridiques.
La publicité est permise, mais elle ne doit pas être assimilée à une activité de démarchage ou de sollicitation.
Avec l’arrivée d’Internet, la question s’est posée de savoir si un avocat se livre au démarchage ou à une sollicitation, lorsqu’il offre des consultations bénévoles en ligne.
La réponse a été négative dans la mesure où il n’effectue pas de »proposition personnalisée » et que c’est l’internaute qui prend l’initiative de poser sa question à l’avocat. Le Mémorandum des barreaux français sur le commerce électronique et la profession d’avocat en France précise également que le démarchage implique le déplacement physique d’une personne ce qui est peu compatible avec un réseau de télécommunication[13].
C. Critique
1. L’ambiguïté du texte quant à l’étendue du domaine d’application de la prohibition du démarchage.
On constate qu’il y a un problème de rédaction du texte . Le texte est inséré dans un chapitre II de la loi de 1971, intitulé « Réglementation de la consultation en matière juridique et de la rédaction d’actes sous-seing privé », et modifié par la loi n°90-1259 du 31 décembre 1990 qui a fusionné cette profession avec celle de conseil juridique ; et l’article considéré s’est maladroitement inspiré du décret précité du 25 août 1972, qui en son temps, n’avait été rédigé que pour les seuls conseils juridiques alors que leur métier était distinct.
Le texte ne vise apparemment pas l’ensemble de activités de l’avocat et notamment, l’assistance et la plaidoirie.
L’article 66-4 de la loi du 31 décembre 1991 est un texte pénal d’interprétation stricte ; il vise, comme nous l’avons vu précédemment, par sa rédaction un but : protéger l’usager du droit et la profession d’avocat. Il tend à réprimer le fait que « quiconque » se soit livré à un démarchage « en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes ».
Est-il sans signification, que le démarchage en vue d’installer une procédure ou d’engager une action judiciaire ne fait l’objet d’aucune prohibition pénalement sanctionnée par la loi ?
Concerne-t-il en effet l’offre de soutenir un procès ? l’assistance ? la plaidoirie ?
a) Arguments en faveur d’une interprétation restrictive du texte.
· L’interprétation stricte de la loi pénale ne permet pas d’étendre l’incrimination du démarchage en vue d’engager une action en justice ou d’y défendre (voir infra : le problème du texte d’incrimination).
· L’interdiction du démarchage en matière de consultation et de rédaction d’actes fait l’objet des dispositions pénales dont le domaine a été circonscrit ( consultation et la rédaction d’actes).[14]
Ce texte apparemment répressif révèle que l’avocat qui initie un démarchage en vue de favoriser l’introduction d’une action en justice n’est pas sanctionné par l’article 66-4 de la loi. Cependant, il paraît en conséquence que cet acte ferait l’objet de sanction disciplinaire.
b) Arguments en faveur d’une interprétation large du texte.
· Monsieur Hamelin et Monsieur Damien considèrent que « si l’article 66 de la loi du 31 décembre 1990 est inséré dans le Titre II Réglementation de la consultation en matière juridique et la rédaction d’actes sous seing privé, on peut toutefois lui conférer une portée générale comme exprimant les principes généraux régissant la profession[15].
· L’article 5-4 du règlement intérieur du barreau de Paris indique : « Par démarchage, on entend le fait d’offrir des services en vue de donner des consultations, de rédiger des actes en matière juridique, d’entreprendre une action judiciaire ou de provoquer à la souscription d’un contrat aux mêmes fins, notamment en se rendant personnellement… ».
c) La nécessité d’une révision du texte d’incrimination.
Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de Cassation fait le point sur la qualification du démarchage de l’avocat. En effet, elle casse une décision de la Cour d’appel de Saint-Denis-de-la-Réunion du 13 janvier 2000 au motif qu’elle a méconnu le principe qui veut que si le juge doit rendre aux faits poursuivis leur véritable qualification, il ne doit pas substituer des faits distincts à ceux de la prévention, sauf si le prévenu a accepté d’être jugé sur des faits nouveaux.
En vue de casser l’argumentation du prévenu, avocat de profession, et de confirmer le premier jugement qui l’avait reconnu coupable aux règles d’infraction aux règles de démarchage à domicile, les juges du fond avaient souligné que le fait que ce prévenu se soit rendu dans un hôpital pour apporter un contrat de mandat, certes à la demande du client, caractérisait une opération de démarchage au sens du code de la consommation.
Or, la Cour de cassation retient que la Cour d’appel n’a pas pris en compte le fait que cet avocat était d’accord pour être jugé sur le fait démarchage illicite, prévu et sanctionné par l’article L 121-21 du code de la consommation certes, mais non applicable au démarchage de l’avocat, prévu par la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaine professions juridiques et judiciaires.
Dans son commentaire[16], Monsieur Renucci indique que la solution retenue par la Cour de cassation « semblait s’imposer d’évidence mais finalement les choses ne sont pas aussi évidentes qu’il y parait… ». « Si l’on entend respecter avec force le principe de la légalité tout comme celui de l’interprétation stricte des textes, l’article 66-4 de la loi de 1971 est difficilement applicable en l’espèce (le prévenu avait l’intention d’exercer une activité d’assistance)…de sorte que le texte spécial dont parle l’article 121-22 du code de la consommation et dont la conséquence est d’écarter l’application des dispositions du Code de la consommation (en particulier l’article L.121-21) n’existe pas dans le cadre du comportement de l’avocat en cause…et alors l’article L. 121-21 du Code de la consommation s’applique bel et bien… »
Il conclut que « la solution est cependant bancale, et la meilleure chose serait de réécrire l’article 66-4 afin que le démarchage relatif aux services juridiques soit totalement encadré par ce texte spécial ».
Dans son commentaire, Monsieur Jacques-Henri Robert conclut que « l’arrêt rapporté en est réduit à proposer une application très extensive de l’article 66-4 pour qu’il embrasse la totalité des prestations de services des avocats »[17].
2. Publicité, démarchage, sollicitation.
Le démarchage implique, nous venons de le voir, une démarche d’homme à homme, auprès du client potentiel.
Ajoutons que l’article 161 alinéa 2 du décret susvisé interdit également la simple sollicitation. Celle-ci consiste en l’offre de service faite à une personne déterminée soit directement soit indirectement. Elle peut résulter d’une lettre ou d’un appel téléphonique, d’une démarche par l’intermédiaire d’un tiers, de toute invitation adressée sous quelque forme que ce soit.
L’avocat peut faire de la prospection de clientèle. Comme le souligne Monsieur Marlière[18], la prospection n’est plus interdite a contrario de la sollicitation et du démarchage qui sont sanctionnés. Pour la déontologie, la différence entre ces concepts se situe au niveau de l’envoi d’une information aux clients sans y insérer une proposition de services, une offre déterminée ou une incitation à prendre contact directement avec le cabinet.
Nous avons vu précédemment qu’il est essentiellement interdit à l’avocat de capter une clientèle de manière directe ou de tenter d’amener vers lui de nouveaux clients…
Or, il est possible à l’avocat d’aller vers le client de manière direct.
En effet, le fait d’envoyer une lettre d’information à une entreprise non-cliente du cabinet n’est pas une offre de prestation de service personnalisée, mais une information nécessaire.
De manière objective, nous sommes en présence d’une sollicitation de clientèle et cet acte a pour objet d’amener vers lui de nouveaux clients…
Cet acte n’est entre autre qu’une forme de démarchage selon le sens usuel[19].
« La publicité chez l’avocat n’est pas destinée à faire vendre mais à informer le public ».
Le fait qu’un avocat fasse du porte à porte pour informer le client sans proposer ses services, cet acte constitue-t-il un acte réprimé par la loi?
A priori, il n’y a pas non plus de proposition de service, mais une information nécessaire. Mais, nous sommes en présence d’une démarche d’homme à homme, ce qui poserait problème selon la définition du démarchage de l’avocat.
La publicité de l’avocat, la « sollicitation permise » a pour fin d’attirer le client de quelque périphrase que l’on entoure … Faire de « la publicité » dans l’interdiction formelle de tout démarchage met en œuvre des règles contraires aux fondements mêmes de la publicité et explique les grands difficultés dans lequel se débattent les instances ordinales lors des autorisations pour les démarches publicitaires des avocats.
La forme du démarchage importerait plus que la démarche même…
3. Le démarchage est une réalité.
L’expérience des grandes catastrophes écologiques, les pollutions, les inondations, les accidents industriels, les sinistres en série, les lésions du domaine de la responsabilité médicale, pharmaceutique ou hospitalière témoignent de la présence d’experts, de conseils, d’assistants en évaluation de dommages, de techniciens, de professionnels non réglementés, d’associations qui visitent et sollicitent directement ou indirectement les victimes, négociant la rétribution de leur intervention et offrant de résoudre les litiges.
Ces derniers qui se présentent comme les défenseurs de la veuve et de l’orphelin tendent à se substituer aux auxiliaires de justice dans leurs attributions légitimes de professionnels libéraux, indépendants, responsables et tenus au secret professionnel[20].
Comme le souligne Monsieur le Bâtonnier Jean-Louis Matheu dans un article sur « Halte à la désinformation des victimes d’A.Z.F. : pas de faire sans savoir-faire »[21], « ces associations ont profité de la brèche entrouverte par la loi de 1992 sur le monopole du droit leur permettant de donner des consultations juridiques accessoires à leur activité principale. On a vu en en effet éclore et se développer partout en France des « bureaux parallèles »d’indemnisation de victimes se livrant pour la plupart à un démarchage totalement proscrit par la profession d’avocat pour recruter leurs « clients-adhérents » ».
On est aussi perplexe en face de l’interdiction annoncée par l’article 2 du décret du 25 août 1972 qui prohibe la publicité en vue de donner des consultation ou de rédiger des actes en matière juridique alors que se trouvent exclues de la prohibition les entreprises qui fournissent des renseignements, informations ou prestations de services comportant à titre accessoire ou incident des renseignements juridiques ; article 3 du même décret.
4. L’avocat prête serment de désintéressement.
La vertu de désintéressement de l’avocat veut dire que la fin ultime de la profession d’avocat ne doit pas être l’enrichissement.
Aujourd’hui tout travail mérite un salaire, ce qui serait même un gage d’indépendance de l’avocat. Les professionnels du droit doivent faire tourner leur cabinet, « gagner des causes n’est plus suffisant, il faut un peu plus pour gagner de la clientèle et conserver les acquis »[22]. Il est devenu nécessaire de rechercher le client, malgré le désintéressement.
Nous avons vu dans cette partie que les textes relatifs à la publicité et au démarchage mériteraient d’être réécrits. En effet, le texte d’incrimination du démarchage pose problème, l’interdiction formelle de tout démarchage met en œuvre des règles contraires au fondement de la publicité et explique les difficultés des conseils de l’ordre d’autoriser les démarches publicitaires.
Le démarchage est devenu une réalité pour l’avocat, s’il demeure interdit, il restera permis à d’autres d’en user sur le « marché du droit » et accroîtra l’inégalité face à ces concurrents peu scrupuleux.
Il est devenu nécessaire à l’avocat de rechercher le client, il est nécessaire aussi que l’avocat continue de jouer son rôle tout en étant indépendant et désintéressé. Aussi, ne pourrions-nous pas définir un démarchage autorisé et encadré ? existe-il un démarchage qui pourrait autorisé en étant réalisé dans la mesure ?
Après avoir observé les différentes formes de démarchage des pays voisins, nous démontrerons que le démarchage peut être autorisé, que tout est question de mesure.
II. Les différentes formes de démarchage de l’avocat
Les règles applicables en matière de publicité et de démarchage varient très largement d’un pays à l’autre et vont d’une grande permissivité à une interdiction totale. Dans beaucoup de pays ces règles ont été récemment assouplies, mais sous certaines réserves.
M Jorge Adell, dans son discours à Prague en 1999[23] sur « les différentes formes de la publicité des services juridique », classe les pays en trois groupes selon la latitude laissée aux avocats pour se faire de la publicité :
a) Libéralisation poussée
Etats-Unis, Danemark, Royaume-Uni, Pays-Bas.
b) Libéralisation modérée
Belgique, France, Allemagne (loi fédérale sur les avocats), Espagne, Luxembourg.
c) Interdiction totale
Portugal, Grèce.
Nous verrons dans cette partie les formes de démarchage de l’avocat au travers quatre pays.
A. Le droit anglo-saxon.
La première règle était la règle « anti-racolage » qui interdisait aux solicitors :
· De rechercher des mandats,
· De racoler pour obtenir pour obtenir des affaires,
· De faire de la publicité,
· D’obtenir des affaires de manière déloyale.
En Angleterre, l’interdiction de la publicité a été battue en brèche sous la pression idéologique de la concurrence et du libéralisme et du mouvement des consommateurs.
La publicité aujourd’hui est considérée comme bénéfique ; elle fait connaître la profession et les services qu’elle offre, elle a un public plus large que celui qui aurait sinon connaissance de ces services.
Peu à peu, l’orientation donnée par les directives professionnelles ont permis le publipostage direct adressé aux clients, aux anciens clients, aux enquêteurs et aux relations professionnelles, mais pas au grand public, parmi lequel pouvaient se trouver des clients potentiels.
La nouvelle règle autorise le publipostage direct au public en général et même à certains groupes choisis de personnes ou à des clients potentiels.
Ces changements sont dus à des logiques même de la publicité, il n’était pas approprié d’être autorisé à faire de la publicité tout en ayant les mains liés.
Les seules interdictions sont l’interdiction de se rendre personnellement chez les gens ou de téléphoner à des clients potentiels sans y être invités.
Mais une nouvelle fois, ces interdictions devraient être supprimées. L’autorité de la concurrence britannique, l’Office of Fair Trading a estimé dans un rapport rendu public le 25 avril 2002 que des entraves à la concurrence étaient encore présentes au sein de la profession juridique. Ces principales interdictions concernent la multidisciplinarité, les honoraire, le démarchage illicite («cold colling ») ou encore la publicité[24].
B. Le droit belge.
Les barreaux francophones et germanophones de Belgique rejettent en bloc le démarchage via la publicité dans son règlement du 20 juin 2002[25].
Le règlement définit dans son article 1 le démarchage et l’interdit dans son article 2 alinéa 3.
Article 1 :
Démarchage : toute forme de sollicitation de clientèle, dépassant la simple information, consistant à offrir d’initiative un service défini ou personnalisé à une clientèle potentielle individualisée, en ce compris la mise à disposition, notamment sur un site, de services juridiques définis.
Article 2 alinéa 3 :
Le démarchage est interdit.
Nous constatons que contrairement au droit français, les barreaux francophones et germanophones ne distinguent pas la sollicitation et le démarchage.
Le Barreau de Gand est le seul à avoir lancé une réglementation sur la publicité, qualifiée par la plupart d’ultra libérale. Le projet flamand prône une libéralisation totale de la pratique de la publicité, en ce compris la sollicitation active de la clientèle.
L’idée est que les avocats flamands pourraient par exemple envoyer un mailing à toute une série d’entreprises en décrivant leur qualité, le coût de leurs prestations, les services qu’ils proposent[26].
En France, on a commencé à admettre la nécessité de la publicité fonctionnelle pour permettre aux usagers de prendre contact avec des avocats et de connaître leur possibilité d’action, leur technicité, leur méthode et les coûts qu’entraîne le recours à leur ministère. Cette publicité fonctionnelle est réalisée par les barreaux et non par les avocats. La publicité individuelle demeure prohibée.
Les avocats français peuvent envoyer une lettre d’information ou une plaquette de présentation de leur cabinet, mais ils ne peuvent envoyer de mailing de ce type.
C. Le démarchage aux Etats-Unis
La publicité est acceptée depuis 1983 dans les « Models rules of Professionnal » de l’ABA dès lors qu’elle n’est pas mensongère et ne tend pas à soulever des espoirs injustifiés.
Toutes les formes de publicité sont admises : annuaire de téléphone, l’annuaire légal, le journal ou toute autre périodique, panneaux-réclame ou signes extérieurs, radio ou télévision, Internet ou par l’autre communication écrite ou électronique.
En 1988, la Cour Suprême des Etats-Unis a autorisé le publipostage direct ciblé, à condition qu’il ne soit pas faux, trompeur ou mensonger[27].
Mais, la sollicitation directe reste interdite[28] si :
(1) la personne étant sollicitée a fait connaître un désir de ne pas être sollicité par l’avocat;
(2) la sollicitation implique la coercition ou le harassement;
(3) l’avocat raisonnablement devrait savoir que l’état physique, émotif ou mental de la personne sollicitée est tel que la personne ne pourrait pas exercer le jugement raisonnable en employant un avocat;
(4) la communication écrite ou toute autre sollicitation concerne une action pour des blessures ou la mort injustifiée ou se relie autrement à un accident faisant participer la personne à qui la communication est adressée ou un parent de cette personne, à moins que l’accident se soit produit plus de trente jours avant l’envoi ou toute autre communication ou la communication ou la sollicitation est autorisés par Rule 16-703(A) de ces règles.
Le contact direct d’une personne ou par téléphone avec les clients éventuels est possible
seulement dans les circonstances suivantes:
(1) le client éventuel est un parent, ou l’avocat a un personnel, des affaires ou un rapport antérieures de professionnel avec le client éventuel;
(2) la communication est faite sous les auspices d’un public ou d’une organisation charitable de services juridiques ou d’un véritable politique, social, civique, charitable, religieux, fraternel, employé ou organisation commerciale dont les buts incluent mais ne sont pas limités à fournir ou à recommander des services juridiques. (octobre 1989; comme modifié, août efficace 1, 1992. Rule 16-703)
Les règles américaines ne prohibent ni le démarchage ni la sollicitation, elles les limitent et encadrent.
D. Le démarchage au Québéc
Le code de déontologie des avocats de Québec n’interdit pas le démarchage expressément. Mais, il est limité :
L’article 4.02.01 considère : « (…) qu’est dérogatoire à la dignité de la profession le fait pour un avocat :
· d’inciter une personne de façon pressante ou répétée à recourir à ses services professionnels ;
· de rechercher, dans le but de les représenter, des personnes qui pourraient exercer des réclamations en justice ;
· d’employer ou de payer des agents ou démarcheurs pour obtenir des mandats ;
· de pactiser de quelque manière que ce soit avec toute autre personne pour se procurer des clients ou des affaires »[29].
Le code de déontologie émet des réserves ou des restrictions à la publicité de l’avocat.
L’article 3.08.03 prescrit que l’avocat doit éviter toutes les méthodes et attitudes susceptibles de donner à sa profession un caractère de lucre et de commercialité.
L’article 5.05 énonce que « Toute publicité susceptible d’influencer des personnes qui peuvent être vulnérables du fait de la survenance d’un événement spécifique, ne peut être adressée qu’au public en général ».
Cet article pose des problèmes d’interprétation au Québec. Il paraît vaste et rédigé en termes vagues.
L’expression « événement spécifique » est assez vaste pour comprendre des faits allant du désastre écologique à la séparation douloureuse d’un couple. Cette catégorie comprendrait ainsi tous les événements de la vie à la suite desquels des personnes peuvent avoir besoin d’aide. C’est un ensemble qui regroupe une grande partie des clients potentiels des avocats. On peut suggérer que le Barreau de Québec n’a pas voulu englober n’importe quelle sorte d’événements même si cela n’est pas précisé.
À ce qui précède se greffe un autre élément: on vise des personnes qui peuvent être vulnérables.
Un avocat a émis l’opinion que l’article 5.05 « interdit à l’avocat de solliciter un client éventuel qui n’est pas en mesure de prendre une décision éclairée quant à son besoin de services professionnels et quant à la nature et l’étendue de ceux-ci […] des personnes dont le jugement risque d’être faussé par une émotivité amplifiée par la survenance d’un incident »[30].
En s’inspirant des autres dispositions concernant la publicité, on peut penser que les rédacteurs ont voulu sans doute prévenir un abus, par exemple le fait d’un avocat qui utiliserait un moyen publicitaire cherchant à exploiter, au sens de profiter, abusivement de quelqu’un, un groupe de personnes encore sous le coup de l’émotion subie à la suite et à cause d’un événement à caractère dramatique. Cela comprendrait possiblement aussi un élément de dol alors qu’on tenterait d’entraîner des personnes à poser un geste qu’elles ne voudraient pas poser et contraire à leurs intérêts, si elles n’étaient pas dans un état de vulnérabilité en raison d’un événement spécifique.
Par la suite, les avocats québécois ont précisé en quoi consiste cette « publicité susceptible d’influencer des personnes ». L’avocat qui distribue simplement sa carte à des sinistrés d’une inondation d’un quartier d’une ville, celui qui les visite en essayant de les convaincre de lui donner un mandat, celui qui placarde les environs d’une affiche disant aux sinistrés de pas se laisser faire et offrant ses services, celui qui se fait inviter à l’assemblée d’information pour les sinistrés organisée par le comité de citoyens ou encore celui qui publie une page entière de renseignements juridiques concernant les droits des victimes d’inondations dans le Journal de Montréal le lendemain, sont-ils tous dans la même situation par rapport à l’article 5.05 C.d.a. et s’adressent-ils tous trop directement aux personnes visées à l’aide d’un moyen publicitaire susceptible d’influencer ?
Un autre aspect qu’un tribunal pourra considérer concerne les devoirs des avocats relativement au droit du public à l’information. La société souhaite que les avocats soient généreux de leurs connaissances et de leurs conseils. Leur devoir d’information se limite-t-il aux personnes qui font appel à eux par curiosité et sans avoir déterminé leurs besoins? Si l’on prend l’exemple de l’inondation, l’avocat devra-t-il attendre que des enquêteurs des compagnies d’assurances aient pris les devants et persuadé les sinistrés qu’ils n’ont pas ou peu de droits ?
Après avoir interprété la disposition, un comité de discipline sera probablement appelé à se demander si cette contrainte à la liberté d’expression est nécessaire dans l’esprit de la Charte et des critères précisés par la Cour suprême dans l’arrêt Rocket Collège Royal des chirurgiens dentistes d’Ontario c. Rocket,[1990] 2 R.C.S. 232.
La réglementation en matière de publicité permet la sollicitation par envoi postal. Il est possible pour un cabinet d’avocats québécois de s’adresser, par exemple, à tous les hommes d’affaires de leur région pour offrir leurs services. Cet envoi direct est cependant interdit lorsque la clientèle visée serait celle à laquelle réfère l’article 5.05.
Etats-Unis, Angleterre et Québec ont autorisé la publicité et ont autorisé dans une certaine mesure le démarchage. Les avocats français prohibent encore totalement le démarchage. « Ils ont encore les mains liés ».
III. La contribution du droit européen
Dans un livre vert publié en 1992, la commission européenne a affirmé sa volonté de revoir sa politique dans le domaine des communications commerciales et de la publicité et de modifier la directive 84/450/CEE relative à la publicité trompeuse. Les professions libérales sont par ailleurs en droit d’utiliser ces formes de communications commerciales en vertu de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (liberté d’expression).
Aux termes de cette proposition, les professions libérales n’échapperaient pas à la publicité comparative que s’il existe dans leur pays une interdiction totale de faire de la publicité ; si la publicité est autorisée sous une forme ou sous une autre, la publicité comparative doit l’être aussi.
Ainsi les avocats anglais devraient être soumis à la publicité comparative du simple fait que la publicité est autorisée en Angleterre.
Plusieurs organisations étant intervenues, le texte a été modifié de telle manière que la publicité comparative ne soit pas imposée de plein droit à une profession donnée lorsqu’elle est incompatible avec les règles déontologiques que cette profession s’est fixée en verte des pouvoirs réglementaires qui lui sont également conférés, ce qui est le cas des avocats.
En matière d’application des règles à la concurrence du Traité aux professions libérales[31], la Commission Européenne a affirmé aussi sa volonté d’intensifier la concurrence au sein des professions libérales dans l’intérêt des consommateurs. La Commission reconnaît que la concurrence dans les professions libérales doit se faire essentiellement par la qualité des services. Cependant, la concurrence, en particulier sur les prix des services et sur l’information exacte et complète sur les services disponibles doit être également possible.
Aussi considère-t-elle que l’interdiction totale de la publicité en général et de la publicité comparative n’est pas acceptable.
Elle considère également que les membres d’une profession libérale doivent pouvoir rechercher activement des clients. Des exceptions peuvent être admises pour éviter des excès.
Dans une décision de 1999, la Commission a apprécié ces aspects et a obligé l’Institut des mandataires agrées auprès de l’Office européen des Brevets à mettre fin à l’interdiction de démarcher sauf pour ce qui concerne les affaires en cours. Elle a également apprécié les aspects relatifs aux restrictions à la publicité[32].
Il ressort des perspectives en droit européen que le démarchage ne devrait plus être interdit concernant les professions libérales, mais autorisé et encadré.
Dans quelle mesure pouvons-nous autoriser le démarchage des avocats en France ?
IV. Emergence du démarchage déontologiquement correcte
Dans le contexte déontologique, le mot sollicitation est compris dans son acception négative, impliquant un harcèlement ou une insistance déplacée. Comme il n’est plus dérogatoire de rechercher de la clientèle et de faire sa publicité en conséquence, il faudra apporter les distinctions appropriées.
La majorité des avocats se sont conformés pendant longtemps à l’impossibilité de faire de la publicité. Même si elle est maintenant permise, la manière de penser n’est pas encore complètement transformée. Le concept de publicité entraîne spontanément encore chez plusieurs des réflexes, de contrôle, de crainte d’abus possibles.
A. Les inquiétudes légitimes que génère le concept de « démarchage »
Le démarchage de la clientèle expose l’avocat et son client à des risques sérieux qu il faudra maîtriser.
1. L’avocat prête serment de désintéressement
Le démarchage, ne le dissimulons pas, peut porter atteinte à des principes fondamentaux de la profession.
La dignité peut-elle être préservée par l’avocat qui approche directement une victime fragile pour lui offrir son concours contre rétribution…
La dignité est-elle préservée si l’avocat organise un démarchage « au porte à porte » ou une sollicitation de clientèle par circulaire, par lettre, par catalogue, par e-mail ou par Internet ? Où est le désintéressement si le démarchage, habillé d’humanité… dissimule une intention mercantile ou une quête de profit…
Où est la grandeur de l’avocat, si le démarchage démontre, comme l’écrit notre confrère, Monsieur Buisson, que le métier d’avocat est pour certains d’entre nous un « moyen de gagner le plus d’argent possible ».
Le risque est réel ; il peut être subjugué.
2. Les contestations en matière d’honoraires
Les contestations en matière d’honoraires d’avocat sont nombreuses, alors même que le client a sollicité son concours, l’a choisi spontanément parmi d’autres, l’a approché dans le secret de son cabinet, puis convenu avec lui, des modalités de fixation de son honoraire.
Les contestations ne seront-elles pas plus nombreuses encore en présence d’un client qui n’aura pas choisi spontanément son avocat, et pourra prétendre avoir été victime d’un démarchage tendant à lui offrir une prestation contre un honoraire probablement…de résultat dont il n’a pas maîtrisé le taux exorbitant ou exagéré pour introduire une instance imprudente ou vouée à l’échec ?
3. Quels griefs encore à imaginer en cas d’échec du procès
Quels griefs encore à imaginer en cas d’échec du procès ; comment maîtriser la croissance des sinistres de responsabilité professionnelle en cas de déconfiture du client par l’effet d’un contentieux…introduit par après un démarchage.
4. Le démarchage.
Le démarchage doit tenir compte des dispositions de la loi du 10 juillet 1991, qui a opéré une réforme majeure dans les dispositions de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 en ouvrant l’accès à son instrument économique, l’honoraire de résultat…
« toute fixation d’honoraires qui ne le serait qu’en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, en outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d’un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ».
5. Le démarchage n’est-il pas le terrain de prédilection du risque de contestation de la convention d’honoraires de résultat voire du pacte « de quota litis » ?
Les associations d’avocats anglo-saxons et américains notamment, ont dénoncé un autre risque étroitement lié au démarchage.
Le « contigency fee » sur le modèle américain, suppose un arrangement entre l’avocat et le client pour que l’honoraire soit déterminé en fonction des dommages recouvrés .
Dans le même esprit, le « contigency fee » suppose un arrangement par lequel l’avocat accepte de ne rien percevoir si l’affaire est perdue, mais de percevoir un honoraire plus élevée si l’affaire est gagnée.
Ce type de convention est permis pour certains types de travaux en Angleterre et au Pays de Galles depuis 1995 (par exemple pour les demandes en réparation d’un préjudice personnel lors d’un accident ou pour les demandes devant la Commission Européenne des Droits de l’homme).
Ce processus conduit pourtant à des excès dénoncés par les associations professionnelles d’avocats aux Etats-Unis, notamment pour obtenir une modération des taux d’honoraires à 33% alors que de nombreux cabinets dépassent ces taux et que même un arrêt de la Cour Suprême Fédérale a admis la validité d’une convention d’honoraires fixant celui-ci à 50% de l’indemnité recouvrée 5Austin National Bank contre Norton 9 janvier 1978). La presse n’a-t-elle pas dénoncé récemment les montants exorbitants des quelques centaines d’avocat qui pourraient percevoir 20 à 25 milliards de dollars d’honoraires dans le procès intenté par des particuliers contre les fabricants de cigarettes (The Economist-Courrier International 25 février 1999°.
L’honoraire de résultat, dans cette espèce, a été arrêté à 20 à 35 % de ce que les Etats percevront.
Pourtant, l’évolution des esprits, le rapport de ma commission de réforme de l’accès au droit et à la justice, la volonté de vouloir favoriser l’accès au droit, le consensus de consommateurs de droit justifie l’abandon de l’interdiction stricte du pacte de quota litis pour permettre, comme le suggère le bâtonnier Ader d’en délimiter « avec soin l’exercice à l’usage de » convention d’honoraires et contribuer au financement, socialement bien compris, de l’accès au droit et au procès.
N’est(ce pas favoriser démocratiquement l’accès au droit que de permettre à l’avocat :
De démarcher le client qui spontanément n’aurait pas su proprio motu mettre ses droits en valeur
De convenir clairement avec le client par une convention rigoureuse des modalités de la rétribution en fonction du résultat effectivement obtenu
B. Les mérites du démarchage
1. Le démarchage est une réalité
L’AAVAC, à l’occasion de l’explosion de AZF, est un exemple de la concurrence de ces associations qui tendent à se substituer à la profession d’avocat. Le bâtonnier Matheu a indiqué que lors de la catastrophe du 21 septembre 2001, l’Ordre des avocats de Toulouse a pu ainsi localiser certaines de ces « officines » dissidentes et de s’alarmer contre leurs moyens d’action. Il a constaté que les sollicitation de ces marginaux du droit sont devenues plus nettes voire plus criantes en cette période de désordre général, où il était plus facile de faire vibrer la crédulité des victimes et des blessés désemparés.
Le jugement du Tribunal de Grande Instance de Toulouse a reconnu le trouble manifestement illicite, qu’il convenait de faire cesser, compte tenu du préjudice causé à la profession d’avocat et à la collectivité, cette dernière étant « en droit d’attendre des renseignements obtenus une garantie minimale qui ne peut être assurée que par le membres des professions juridiques réglementées ».
Monsieur le bâtonnier Matheu souligne que « Cette jurisprudence de principe est digne d’intérêt tant pour le respect du périmètre du droit, que pour le respect des citoyens. Si, à juste titre, les victimes ont le droit de savoir, leurs interrogations seront parfaitement étudiées, analysées, et sans nul doute résolues, par ceux dont la profession est justement le savoir droit.
Ceux qui en ont fait le métier, ceux dont le serment et les règles déontologiques représentent la garantie pour tous d’une véritable justice, et non de promesses fantaisistes et sans lendemain »[33].
2. Les victimes constituent des associations
Les victimes constituent des associations dont l’objet est de favoriser la réparation des dommages en s’unissant au sein de mouvement de défense qui démarchent d’autres victimes confrontées aux mêmes risques ou aux mêmes sinistres afin de fédérer les moyens, les énergies et les solidarités.
3. Les avocats, les syndicats professionnels, les ordres
Les avocats, les syndicats professionnels, les ordres par des actions concertées et collectives de formation professionnelle ou l’organisation de rencontres d’information, génèrent, délibérément ou non, un processus de démarchage tendant manifestement, en même temps qu’à la divulgation d’une information juridique ou d’une formation, à offrir implicitement mais nécessairement un concours ou une assistance. Les barreaux admettent le plus souvent que l’avocat à l’occasion des permanences mises en place au bénéfice des citoyens et des justiciables, puisse « ouvrir » le dossier si le consultant le sollicite.
Il est vrai que le démarchage n’et pas seulement une réalité présente sur le marché du droit, il peut être aussi une exigence éthique.
4. La politique de précaution appliquée aux prestations juridiques : « le démarchage » n’est-il pas l’expression d’un devoir de défense ?
Lors de son Congrès de Grenoble en mai 2001, la CNA a pu constater que la proclamation des principes essentiels et des valeurs communes de la profession d’avocat exigé de contribuer au progrès de droits fondamentaux ; les principes moraux, l’éthique, le respect de la vie, ont besoin de la mise en œuvre effective de la règle de droit. Concrètement…
La CNA a rappelé que les initiatives de publicité collective et de promotion engagées par les ordres, les syndicats ou associations professionnelles, n’étaient pas suffisantes à réduire la timidité ou la défiance de certains justiciables ou usagers du droit à l’égard des professions réglementées.
Ainsi les droits ne sont pas mis en valeur, des indemnisations ne sont pas sollicitées par ignorance du droit ou par réticence à aller trouver un avocat des dommages ne sont pas réparés.
En matière de risque juridique et économique ? L’ACE a constaté lors de son Congrès de Nantes d’octobre 2001 que beaucoup d’entreprises ignorent les aides, les subventions, à des mesures d’assistance technique ou financière auxquelles elles ont droit, ou s’exposent à des risques juridiques fiscaux et sociaux par ignorance.
L’exigence déontologique pose une question : est-il déontologiquement correct pour l’avocat de rester inerte ou indifférent ?
Face à la violation des droits fondamentaux, à des atteintes aux droits de l’homme ou à la dignité, à l’ignorance des risques juridiques et économiques auxquels des particuliers ou des entreprises sont exposés, l’avocat n’a-t-il pas un devoir de défense ? L’avocat ne manque-t-il pas à son devoir professionnel en acceptant la mise en œuvre du principe de précaution ou de prévention face aux risques juridiques au prétexte du seul respect de l’interdiction du démarchage ?
L’article 3 de la loi du 31 décembre 1971 énonce que l’avocat prête serment en ces termes :
« je jure, comme avocat, d’exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité ».
Ce serment d’humanité ne serait-il pas trahi par l’avocat qui laisse une victime démunie, néglige la mise en valeur de ses droits alors qu’une instance aurait rétabli son équilibre économique ou son honneur ?
Combien d’entreprises par exemple ne sont-elles pas dans l’ignorance de l’existence de fonds de soutien, d’aide ou d’outils juridiques de développement qui leurs sont ouverts par la Communauté Européenne ou par l’Etat ?
L’inertie de l’avocat, conscient de l’abandon de leurs droit par des citoyens ou des entreprises qui les ignorent, n’est-elle pas une trahison du devoir « d’humanité » ? L’avocat ne manque-t-il pas à son devoir « d’assistance à personne en danger juridique » ?
5. Il reste un argument à mettre en valeur : la supériorité de la déontologie de l’avocat
Si une politique de précaution et de prévention appliquée aux risques juridiques doit être mise en œuvre, c’est probablement par la profession d’avocat et par les seules professions dé ontologiquement réglementées qu’elle peut être entreprise dans des conditions de sécurité et de rigueur convenable.
Le secret professionnel, le devoir d’indépendance, la solidité de la formation professionnelle permettent à l’avocat d’aller au devant des victimes en toute garantie de sécurité. Il est d’intérêt général de veiller à ce que cette démarche soit faite plutôt par un avocat soumis à une déontologie et à un contrôle ordinal que par un expert « autoproclamé » ou un militant associatif, syndical ou politique.
C. Emergence d’un concept de « démarchage légal et déontologiquement correct » … parce que contrôlé.
L’idée est qu’il soit admis de rechercher directement la clientèle et de justiciables détenteurs de droits non mis en valeur, inexploités.
Le démarchage ou la sollicitation par avocat doit être admise au moins dans certaines circonstances d’exception :
Contact direct ou par lettre ou par téléphone avec les clients éventuels lors d’une catastrophe naturelle ou industrielle dans le but d’informer les clients.
L’ABA admet le contact direct si le client éventuel est un parent, ou si l’avocat a un lien personnel avec le client ou s’il a géré antérieurement des affaires avec le client éventuel; ou la communication est faite sous les auspices d’un public ou d’une organisation charitable de services juridiques ou d’un véritable service politique, social, civique, charitable, religieux, fraternel, employé ou organisation commerciale dont les buts incluent mais ne sont pas limités à fournir ou à recommander des services juridiques[34].
Le démarchage permet de manière claire l’utilisation de certains outils du marketing :
Publipostage direct,
Dépliants laissés à un agent immobilier ou dans une salle d’attente d’hôpital, ou ailleurs,
Mention du nom de l’avocat sur des publicités des produits dans l’intérêt des clients,
Organisation de séances d’information lors d’un événement spécifique.
Le démarchage doit demeurer prohibé dans certains cas :
Lorsqu’il existe un risque de pression indue sur le client potentiel,
Lorsque la personne étant sollicitée a fait connaître un désir de ne pas être sollicité par l’avocat,
Lorsque l’avocat raisonnablement devrait savoir que l’état physique, émotif ou mental de la personne sollicitée est tel qu’elle ne serait pas en mesure de maîtriser sa décision avec discernement,
D. Les voies de l’organisation d’un démarchage déontologiquement correct.
Une évidence : il importe, avec cohérence, de préserver irréductiblement la dignité, l’indépendance de la profession d’avocat.
Des professionnels du démarchage ne sauraient être recrutés par les cabinets, donnant ainsi aux plus puissants d’entre eux l’accès à une clientèle de pauvres gens, démunis de la faculté d’appréciation des engagements qu’ils souscriraient auprès d’avocat sans probité.
Il est opportun de suggérer au Conseil National des Barreaux, aux Ordres Professionnels à la Conférence des Bâtonniers et aux syndicats professionnels de fixer l’encadrement déontologique des conditions et modalités par lesquelles l’avocat, dans le cadre de son exercice professionnel, pourrait engager une démarche de précaution et de prévention du risque juridique auprès des citoyens, des justiciables ou des entreprises.
1. L’intérêt général justifierait :
Interdire le démarchage de la clientèle en matière judiciaire ou juridique par d’autres personnes que des avocats.
Fixer les clauses types (obligatoires sous peine de nullité) que stipuleront les conventions offertes à la clientèle démarchée :
faculté de dénoncer la convention selon les règles de droit commun du démarchage après un délai de réflexion,
rappel obligatoire du libre choix de l’avocat, prohibition de la perception d’un acompte à la signature du contrat,
faculté pour le client de choisir dans un délai déterminé un autre avocat que l’avocat démarchant,
définition de la mission confiée par le client,
organisation des modalités de lé rétribution comportant la détermination d’un honoraire de résultat conforme à un barème,
interdire la cessibilité ou l’apport du dossier du client démarché à un autre avocat.
2. Les modalités de mise en œuvre
Exiger que l’avocat informe l’Ordre du démarchage qu’il entreprend :
son objet, sa destination, sa méthode, sa territorialité, la clientèle ciblée, les instruments utilisés (documents, circulaires, conventions, Internet, etc), les collaborateurs mobilisés.
Obligation de maintenir une copie de la sollicitation destinée à n’importe quel membre du public pendant un certain nombre d’années suivant la date de du dernier acte de démarchage.
3. Expérimentation
A titre transitoire, l’expérience du démarchage pourrait être limitée à certains domaines d’intervention, et pourquoi pas, à une catégorie de litiges ou de sinistres que le législateur déterminerait pour une période de mise en expérimentation.
4. Conclusion
Il n’est pas digne de laisser des citoyen démunis, fragiles moralement et socialement, par défaut de mise en valeur de leurs droits légitimes ; il est grave que les entreprises se ruinent ou disparaissent en ignorant les techniques juridiques, fiscales, sociales qui auraient contribué à leur redressement.
Telles sont les réflexions que nous offrons à votre débat.
La profession d’avocat doit ici faire preuve de solidité de sa déontologie, la fermeté de ses Ordres, la robustesse de ses principes. La loi doit laisser, démocratiquement, l’avocat approcher, guider, éveiller le citoyen à ses droits.
L’égalité d’accès aux droits et à leur réelle mise en valeur exige « démarche » de l’avocat vers le client.
Il faut oser :
Faire confiance aux avocats et à leur indépendance ;
Faire confiance à l’Ordre et à sa rigueur ;
Faire confiance aux citoyens et à leur lucidité;
L’avocat, humain, désintéressé, compétent, gardien religieux du secret de son client, sera le meilleur garant d’une citoyenneté, armée à l’usage réel de ses droits.
Le démarchage est aujourd’hui un devoir professionnel pour l’avocat ; une politique de prévention et de précaution face au risque de laisser subsister des droits orphelins, faute d’avoir été révélés à leurs détenteurs.
Le 16 septembre 2011
Gérard MONTIGNY
Avocat à la Cour
Vice-Président de la CNA
[1] « Future of the Profession : Guidelines or Advertising », John G. Fish, CCBE.
[2] Rapport au Comité d’Ethique et de déontologie du barreau de Paris présenté le 17 mai 2002 par Christine Sigaut Cornevaux, Laurent Ribadeau Dumas et Guillaume Le Foyer de Costil.
[3] Mercantilisme : état d’esprit animé par l’appât du gain (Larousse).
[4] Article 3 de la loi n°90-1259 du 31 décembre 1990.
[5] Affaire n° 8/1993/403/481 Pablo Casado Coca Contre Espagne.
[6] La publicité de l’avocat, rapport au comité d’éthique et de déontologie du Barreau de Paris présenté en 1999, Messieurs Dupeux, Ribadeau-Dumas et Le Foyer de Costil.
[7] Travaux Parlementaires, Assemblée Nationale séance du 12 octobre 1971.
[8] Travaux Parlementaires, Assemblée Nationale séance du 14 octobre 1971.
[9] Arrêt Barthold, CEDH du 25 mars 1985.
[10] Décret n°72-785 du 25 août 1972
[11] Le Conseil National des Barreaux, dans le cadre de sa mission d’harmonisation des Règlements Intérieurs, a classé la publicité comme sa septième matière et a précisé les conditions d’application de l’article 161 du décret du 27 novembre 1991. Les grands principes sont : La publicité personnelle de l’avocat est permise dans la mesure où elle procure au public une nécessaire information. Elle doit être véridique, respectueuse du secret professionnel et mise en œuvre avec dignité et délicatesse.
[12] Recueil Dalloz 1998, Jurisprudence p.93, « Le démarchage et publicité en vue de consultations juridiques », Daniel Fortin.
[13] Internet et l’évolution de la pratique professionnelle des avocats, article de Valérie Sedaillan présenté lors de la 2ème conférence franco-américaine sur le Droit et l’Intelligence artificielle, Nice 11 et 12 juin 1998.
[14] Jean Claude Woog, Jurisprudence note 22156 La Semaine Juridique édition générale, n°45 1993.
[15] Les règles de la profession d’avocat note 2 p. 464, Messieurs Hamelin et Damien, Dalloz édition 1992.
[16] Démarchage à domicile : les difficultés de déterminer le texte d’incrimination applicable, Droit et Patrimoine n°96, septembre 2001, P. 105 et 106.
[17] Article sur Le démarchage par un avocat, interdit par la loi du 31 décembre 1971, n’entre pas dans le champ d’application du code de la consommation, Jurisprudence p.1385, La Semaine Juridique Entreprises et Affaires n°36, 6 septembre 2001.
[18] Le marketing du cabinet d’avocats, Laurent Marlière, Editions d’Organisation 1999.
[19] Démarchage : méthode propre au marketing consistant à partir de l’analyse des attentes de consommateur pour définir l’offre de produits et de services avec leurs moyens de commercialisation, Mercator de Messieurs Lendrevie et Lindon, 6ème édition.
[20] Note Gaz. Pal. 24 et 25 mai 2002 p20.
[21] Chronique Gaz. Pal. 24 et 25 mai 2002 p5, Jean-Louis Matheu, Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour d’appel de Toulouse.
[22] « La publicité d’un avocat. L’histoire d’une jeune expérience », Charles A. Veilleux, 1992, recueil du congrès du Barreau 1132 Québéc.
[23] Réunion multilatérale organisée par le Conseil de l’Europe en collaboration avec l’association du Barreau Tchèque, « L’éthique des avocats », Prague 3-5 novembre 1999.
[24] Article de Emma Barraclough, Legal Media Group, 29 avril 2002.
[25] Règlement relatif à la publicité et au démarchage LB99-00 n°5337
[26] Article sur « La Publicité s’accroche à tous les barreaux » de Valérie de Oliveira
[27] Shapero c. Ordre des Avocats du Kentucky
[28] Rule 16-701 (B).
[29] Article 4.02.01 du code de déontologie des avocats.
[30] Mario DUSSEAULT, » La publicité des cabinets d’avocats « , Collection de droit, Barreau et pratique professionnelle , vol. 1, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1995, p. 105.
[31] Référence : « Concurrence dans les professions libérales : Quels avantages pour le consommateur ? » Maria José Bicho, DG Concurrence, Journée européenne de la concurrence à Lisbonne le 9 juin 2000
[32] Décision de la Commission du 7 avril 1999, IMA (JO L106 du 23 avril 1999).
[33] Voir précédemment note 21
[34] Règle 16-703