Pré-rapport sur la Formation établi par la Commission Formation CNA

Par Jean de CESSEAU, Président de la Commission Formation CNA

 

J’ai l’honneur de présider à la destinée de la commission formation CNA.

Je pense que cette commission doit préparer un projet CNA en vue de la réforme annoncée qui sera débattue en fin d’année au sein du Conseil National des Barreaux.

Nous devons en effet proposer à la Représentation Nationale, mais également à la Chancellerie et aux commissions des lois des assemblées, une réforme du cursus de formation de nos futurs confrères à l’avenir mieux adaptée aux différentes fonctions qui sont désormais les nôtres.

Judiciaire certes, mais également juridique, leur apprendre à négocier, apprendre à transiger, apprendre le rôle de médiateur.

Je vous soumets donc un schéma général sur lequel la commission pourrait œuvrer.

J’ai d’ailleurs déjà fait appel à un certain nombre d’entre nous pour participer à cette réflexion commune.

Jean de CESSEAU,
Président de la Commission formation de la CNA.

La formation professionnelle des avocats se présente sous deux aspects 

formation initiale

formation permanente ou continue.

Elle s’inscrit dans des textes, règlements et décisions à caractère normatives du Conseil National des Barreaux.

La formation initiale comprend :

un volet post universitaire : examen d’entrée aux écoles du Barreau

un volet formateur au sein de l’école sur dix huit mois divisé en trois périodes de six mois

un examen de sortie : le CAPA.

Quant à la formation permanente elle est imposée aux avocats en activité pour parfaire et réactualiser leurs connaissances.

I – Réflexion sur l’examen d’accès aux écoles du Barreau

La classe préparatoire de cet examen est enfermée dans un cadre universitaire.

Elle néglige me semble t-il l’aspect nécessairement pratique que prendra la formation des élèves avocats.

Elle s’attache toujours à une connaissance livresque du droit ; elle omet en particulier dans le domaine judiciaire, d’insister sur le droit processuel, mode d’emploi du droit. 

II Réflexion sur l’examen de sortie des écoles du Barreau

Il m’apparait que cet examen, dont la mise en œuvre est particulièrement onéreuse pour la profession, doit être supprimé, car justement demeurant son coût, il est peu d’élèves avocats qui en subissent la sanction, la plus grande majorité étant admise.

La formation au sein de l’école du Barreau doit théoriquement et en principe être pratique.

C’est le seul moyen de déterminer si l’élève a parfaitement assimilé les enseignements donnés et les sujets traités en ateliers.

Cet examen pourrait être remplacé par des contrôles d’étapes ou contrôles du degré des connaissances acquises.

III Réflexion sur l’objet même de la formation

L’ensemble des textes et décisions à caractère normatif est issu, après débat en externe avec les Pouvoirs Publics et réflexion en interne de la profession au sein de sa Représentation Nationale, d’un consensus que l’on peut sans se tromper qualifier de « mou » et en tout état de cause qui ne satisfait ni l’élève avocat ni les enseignants ni la profession qui accueille ses futurs avocats.

L’on doit ajouter à cela le poids permanent de l’Université qui prétend maitriser la formation des praticiens du droit.

Messieurs les professeurs Serge Guinchard et Jean-Jacques Mousseron ont pu affirmer à juste titre que la qualité des prestations juridiques tient à la compétence de leurs prestataires et que cette compétence suppose la qualité de leur formation.

Ce dernier point est d’importance et doit être souligné.

Mais n’ont-ils pas laissé entendre également que l’université aurait vocation à donner aux futurs avocats et aux avocats en activité la compétence requise ?

Cela d’ailleurs se vérifie dans un grand nombre d’écoles du Barreau, qui privilégient les représentants de l’université aux fins d’enseignement et ne requière que de manière insuffisante les avocats en activité, spécialistes ou non, pour assurer la réactualisation des connaissances de leurs confrères comme s’il n’appartenait pas aux praticiens du droit d’informer ceux-ci, dans un esprit pratique, des avancées législatives, réglementaires ou jurisprudentielles.

Il ne me semble pas, bien qu’issu moi-même du monde universitaire, que la Faculté soit particulièrement habilitée à saisir, au niveau du pré CAPA, les nécessités professionnelles des futurs élèves avocats et à appréhender au sein des écoles du Barreau le mode d’emploi du droit dans sa pratique au quotidien.

Car le rôle de l’université est et doit se cantonner à l’enseignement théorique des fondamentaux du droit pour assurer à l’étudiant « une tête bien pleine », et les praticiens du droit doivent prioritairement intervenir dans la formation, au sein des dites écoles, pour assurer à l’élève avocat « une tête bien faite ».

En effet, l’élève avocat au sortir de l’école doit non seulement maitriser le mode d’emploi du droit, mais avoir également acquis des réflexes nécessaires à son usage, et l’avocat en activité doit retirer de la formation permanente obligatoire une connaissance pratique des évolutions du droit.

Force est cependant de constater que cette règle de bon sens est partiellement respectée et que s’ajoute à une approche par trop théorique ou insuffisamment pratique du droit, une grande disparité au niveau de la qualité de l’enseignement pédagogique facteur d’inégalité dans la formation.

Nous sommes actuellement très éloignés d’une formation essentiellement pratique.

Il est en effet des formations, données dans d’autres domaines, dont nous devrions nous inspirer telle que la formation des secrétaires d’avocats au sein de l’ENADEP ou celle des ouvriers du bâtiment, des techniciens automobile pour n’en citer que quelques uns.

Elles permettent à l’élève d’entrer de plein pied sur le terrain de sa future activité.

IV Réflexion sur la qualité de la formation

Les intervenants, qu’ils soient praticiens ou universitaires, ne possèdent pas tous les mêmes qualités pédagogiques et en tout état de cause, n’obéissent pas à des règles basiques identiques de pédagogie.

D’aucuns se contentent de reproduire le schéma universitaire, d’autres « récitent » leurs spécialités, éloignés d’une approche simple et compréhensible de la matière.

Et les textes et décisions du CNB, qui voudraient assurer chances égales aux futurs avocats, apparaissent insuffisants.

Ne pourrait-on pas en effet envisager, pour assurer cette égalité, d’imposer aux intervenants de s’attacher à se soumettre à une formation des formateurs, comme cela a été organisé depuis de nombreuses années à mon initiative à l’époque où je présidais aux destinées de l’Ecole Nationale de Droit Et de Procédure.

Mais que l’on ne se méprenne point, cette proposition ne saurait remettre en question la compétence des différents intervenants ; elle n’a pour but que d’uniformiser dans toutes les écoles du Barreau, une technique basique pédagogique qui se trouvera enrichie par l’apport de chacun des intervenants afin que tous les élèves avocats de France bénéficient d’une égalité de formation.

Le talent de l’enseignant ne sera d’aucune manière affecté par un cadre pédagogique commun applicable à toutes les écoles.

V Le contenu de la formation

La formation pratique doit englober principalement le judiciaire et le juridique.

Au niveau du judiciaire de grands efforts ont été fait au sein des écoles, peut être pas suffisamment cependant au niveau du mode d’emploi du droit, c’est-à-dire du droit processuel.

On gagne des procès avec le droit procédural sans aborder le fond et les anciens Avoués auprès des Tribunaux de Grande Instance étaient redoutables : ils maitrisaient parfaitement cette matière trop souvent négligée.

On constatera en effet que le plus grand nombre de sinistre professionnel provient d’une méconnaissance ou de la procédure civile ou de la procédure administrative ou de la procédure pénale.

S’agissant de la matière juridique, l’on ne s’institue pas rédacteur d’acte sans avoir une approche pratique de cette discipline.

D’abord connaître la forme sans s’inspirer systématiquement de modèles souvent inadaptés à la situation.

Ensuite connaître la portée des clauses insérées dans les actes, avoir des réflexes à cet égard, adaptés aux différents actes que l’avocat est amené à rédiger.

Ne perdons pas de vue que l’écrit reste et qu’il constitue la preuve tangible d’une erreur commise par le praticien.

En parallèle de ces disciplines traditionnelles, il existe d’autres domaines qui nécessitent réflexion sur la manière de les enseigner.

Il s’agit essentiellement

de la négociation
de la médiation suivi du pénal
des transactions
de la fiducie
de l’activité d’agent sportif
de l’activité d’agent immobilier.
de la QPC…..

Disciplines nouvelles, encore mal appréhendées, impose que soit mis en place une formation pratique, tant au niveau de la formation initiale que d’ailleurs de la formation permanente, car elles font appel à des données qu’il est important d’assimiler parfaitement pour acquérir une pleine compétence.

Notre syndicat pourrait être sur ce point en mesure d’innover.

VI Réflexion sur les structures de formation des avocats

Au niveau des structures consacrées à la formation initiale mais également à la formation permanente, la question est de savoir si l’on doit conserver plusieurs écoles régionales d’un coût évident, inégales en leurs prestations et peu propices à l’unification des méthodes pédagogiques et à la professionnalisation des intervenants.

Déjà le premier délégué à la formation du CNB, en 1992, le Bâtonnier Denis Lequai déclarait que le professionnalisme ne pouvait être mis en œuvre que dans le cadre de structures de taille suffisante et prônait le regroupement de peur de faire en nos provinces une concurrence dérisoire entre les centres, en particulier au niveau de la formation continue.

Chacun recrute ici ou là au sein des universités, en particulier pour la formation permanente, des maitres de conférence en mal de reconnaissance, parfois quelques professeurs, qui n’ont qu’une approche approximative de la pratique du droit, mais qui récitent parfaitement le dernier état de la jurisprudence de la Cour de Cassation ou du Conseil d’Etat, sans avoir éprouvé cette jurisprudence sur le terrain.

Ces écoles chaque année présentent de véritables « catalogues de la Redoute » offrant une myriade de thèmes de formations dont certains sont sans intérêt pour le Barreau concerné et auxquelles on se rend pour répondre aux exigences des vingt heures de formation continue.

Certes, le Conseil National des Barreaux propose des thèmes, mais les écoles pratiquent la sur enchères « pour faire mieux » que les autres écoles.

Perte de temps, perte d’argent, perte de substance, une réflexion approfondie doit être portée sur ces outils divers de formation éparpillés sur toute la France.

 

 

Ce qui amène tout naturellement à réfléchir, de manière prospective, à une formation commune, déjà depuis longtemps proposée, jamais mise en œuvre, pour des raisons corporatistes ou politiciennes entre magistrats et avocats, ce qui permettrait et favoriserait d’ailleurs le passage de l’avocature à la magistrature et vis versa.

Il y a eu de nombreuses études sur ce point, il convient de les reprendre pour en faire l’analyse et la synthèse et de retenir de ces projets ce qui apparait essentiel pour le proposer à nouveau à la réflexion commune de la profession.

VII Réflexion sur le statut de l’élève avocat

Le  stage a été supprimé ; cependant, dans le cadre de la formation au sein des écoles du Barreau, l’élève avocat doit faire un stage en Cabinet d’Avocat pour favoriser son intégration progressive dans la fonction qui sera la sienne.

Cet élève d’avocat demeure libre dans le choix dans la formation qu’il estime la mieux adaptée à ses goûts et ambitions professionnelles : juridiques, judiciaires etc.

Mais chaque élève avocat doit également avoir une culture générale du droit, une formation commune de base qui lui permette d’appréhender comme il convient les différentes facettes de la pratique du droit.

Le stage hors école dans le cadre d’un contrat d’alternance pose cependant deux questions non encore réglées.

Première question sur le statut de l’élève avocat :

Est-il élève assujettit à l’école ?

Est-il « l’employé » du Cabinet d’accueil ?

L’on sait que l’élève avocat perçoit de par la loi une rémunération de par son maitre de stage, mais cette rémunération doit-elle être assortie, assujettie aux charges sociales, comme si cet élève avocat était un salarié du Cabinet.

D’aucun le soutiennent, puisqu’actuellement la CREPA perçoit les cotisations patronales pour les élèves avocats.

Hors ceux-ci me semble avoir toujours le statut d’étudiant puisqu’ils sont rattachés à l’école du Barreau mais n’ont en aucun cas la qualité de salarié puisqu’ils postulent à une profession libérale, sauf à devenir s’ils le jugent utile, au sortir de l’école, avocat salarié, ce qui les intégrera dans le statut de droit commun.

La question a été posé par mes soins aux organismes administratifs et je suis dans l’attente d’une réponse.

Mais cette question n’est pas neutre, parce qu’elle déterminera la volonté, pour les avocats en exercice, d’accueillir ou non les élèves avocats au sein de leurs Cabinets.

Une réflexion doit être portée sur le statut que l’on veut donner à l’élève avocat.

Pour ma part, et je l’ai déjà dit dans d’autres instances et écrit dans les colonnes de certaines gazettes, dès lors que le stage en un Cabinet générant un coût correspondant au temps passé pour assurer la formation et à un travail réalisé au sein du Cabinet formateur, il ne serait pas choquant que pendant cette période, l’élève avocat bénéficie d’un contrat d’apprentissage.

Et reprenant en cela un rapport présenté devant le Conseil National des Barreaux le 19 novembre 1997, il devrait être envisagé de faire reconnaitre aux écoles des Barreaux, établissements autorisés à collecter la taxe d’apprentissage en lieu et place des régions.

Là aussi, reprenant des idées déjà anciennes, la CNA pourrait les remettre au goût du jour.

Ce document n’est point un rapport mais une approche des questions essentielles qui se posent actuellement au niveau de notre formation.

Il en est d’autres, car je n’ai pas la prétention d’avoir commis un mémoire exhaustif qui sera bien entendu précisé et approfondi si tu estimes que c’est dans cette voie que nous devons œuvrer, car il est indispensable de remettre à plat l’ensemble du système de formation afin de l’adapter aux besoins réels et nouveaux de la profession en matière de recrutement et de rendre nos jeunes parfaitement compétitifs sur le marché concurrentiel du droit.

Gardons nous en effet de nous limiter à des propositions de replâtrage ou à une tentative d’amélioration d’un système existant qui ne m’apparait pas suffisant pour assurer une modernisation de notre formation.

Toulouse, le 19 septembre 2012.

Jean de Cesseau.
Président d’honneur
Président de la Commission Formation et Formaton initiale de la CNA.

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