Projet de loi n°3030 de modernisation des professions juridiques et judiciaires

3 mars 2011, Vincent BERTHAT, Président

Projet de loi n° 3030 de modernisation des professions juridiques et judiciaires.

(examen fixé à la 3ème séance de l’Assemblée Nationale du 1er mars 2011 puis renvoyé sine die).

 

 

A – LES ARTICLES 21 BIS ET 4

ARTICLE 21 BIS

Il faut supprimer le 1° « Les membres de l’ordre et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches. »

Ce 1° modifierait la loi réseaux consulaires 2010-853 du 23 juillet 2010 en ce qu’elle a modifié l’article 2 de l’ordonnance de 1945 sur les experts-comptables.

Au Sénat en juin 2010, le gouvernement et le rapporteur avaient jugé sage de mettre fin à un vif débat par le texte de consensus voté par les sénateurs puis les députés.  Il ne convient pas de revenir au texte écarté quelques mois après.

Aucune étude d’impact sur ce sujet.

Les experts-comptables ont déjà expulsé les avocats du social.

Le 1°les introduirait sur le marché des prestations juridiques qui serait vite déséquilibré par son gros avantage concurrentiel sur les professions juridiques et judiciaires (notaires, avocats, huissiers de justice…).

D’autres pratiques abusives comme celles qu’on dit vouloir régulariser réduiraient la part de notre profession à la portion congrue.

La collaboration entre égaux qu’il faut mener avec les autres professions cesserait par forfait de notre profession.

La confusion du chiffre et droit met toujours en danger l’état de droit, la justice et la sécurité économique.


ARTICLE 4

L’article 4 crée un article 710-1 du Code civil sur la publicité foncière.

Le projet de loi et son étude d’impact l’ont présenté comme une codification à droit constant que rompent les modifications affectant le texte transmis par le Sénat.

Il faut pour le moins remplacer le mot « juridictionnelle » et supprimer une phrase (en rouge ci-dessous).

Voici le projet d’article 710-1 transmis par le Sénat à l’Assemblée Nationale :

« Art. 710-1. – Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative.

« Le dépôt au rang des minutes d’un notaire d’un acte sous seing privé, contresigné ou non, même avec reconnaissance d’écriture et de signature, ne peut donner lieu aux formalités de publicité foncière. Toutefois, même lorsqu’ils ne sont pas dressés en la forme authentique, les procès-verbaux des délibérations des assemblées générales préalables ou consécutives à l’apport de biens ou droits immobiliers à une société ou par une société ainsi que les procès-verbaux d’abornement peuvent être publiés au bureau des hypothèques à la condition d’être annexés à un acte qui en constate le dépôt au rang des minutes d’un notaire.

« Le premier alinéa n’est pas applicable aux formalités de publicité foncière des assignations en justice, des commandements valant saisie, des différents actes de procédure qui s’y rattachent et des jugements d’adjudication, des documents portant limitation administrative au droit de propriété ou portant servitude administrative, des procès-verbaux établis par le service du cadastre, des documents d’arpentage établis par un géomètre et des modifications provenant de décisions administratives ou d’événements naturels. »

1 – Remplacer le mot « juridictionnelle » par le mot « judiciaire » :

Dans son rapport, M. Yves NICOLIN, rapporteur, s’interroge : « Votre rapporteur note que la rédaction du projet de loi substitue à la mention de « décisions judiciaires » celle de « décisions juridictionnelles », ce qui pourrait poser une difficulté s’agissant des décisions par lesquelles un juge homologue, en application de l’article 1441-1 du code de procédure civile, une transaction passée entre les parties afin de l’authentifier et de lui donner force exécutoire : le caractère juridictionnel ou non de ces décisions est en effet discuté en doctrine. »

Le justiciable et son avocat seront incités, dès qu’un droit immobilier sera dans le litige, à demander au juge de trancher plutôt que de prendre une voie alternative (procédure participative, médiation, conciliation, arbitrage) pour éviter un acte notarié en plus.

La restriction imposée par le mot « juridictionnelle » risquerait d’être jugée inconstitutionnelle.

2 – Supprimer la 1ère phrase (en rouge) du 2ème paragraphe :

Cette phrase étend le monopole des notaires aux dépens des professions (sauf les géomètres-experts) qui rédigent des actes sous seing privés.

La loi actuelle donne satisfaction, les notaires contrôlent et garantissent le contenu de l’acte et ils reçoivent le même émolument que s’ils avaient rédigé ce contenu.

Le nombre d’actes concernés est important pour les acteurs qui y recourent et il est faible pour les notaires.

 

RAPPEL CHRONOLOGIQUE POUR L’ARTICLE 21 BIS :

4 mai 2010 – L’AN vote l’article 13 quater de la loi réseaux consulaires qui autorise les experts-comptables (et les associations de gestion et de comptabilité) à « conseiller et assister les entrepreneurs relevant du régime des micro-entreprises ou du forfait agricole dans toute démarche à finalité administrative, sociale et fiscale. ».

8 mai 2010 : l’AG du CNB a voté qu’elle s’oppose « à tous projets tendant à faire de l’activité de conseil  et d’assistance des experts-comptables leur activité principale dans les domaines relevant du droit ».

26 mai 2010 : accord entre les présidents du CNB et du CSOEC à la suite duquel la Commission des lois du Sénat propose le 27 « Les membres de l’ordre et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité administrative, fiscale et sociale, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches. »

10 juin 2010 : le Sénat, après que le secrétaire d’Etat Novelli et le président de la Commission des lois aient dit que ce nouveau texte provoquait de forts remous, vote l’article 13 quater qui autorise à assister « dans la réalisation matérielle de leurs déclarations fiscales, les personnes physiques ».

19 juin 2010 : l’AG du CNB « Constate que les dispositions du projet de loi relatif aux réseaux consulaires, qui seront examinées en deuxième lecture par l’Assemblée nationale les 22 et 23 juin prochains, ne portent pas atteinte au périmètre du droit et à la règle de l’accessoire tels que définis par les articles 54 et suivants de la loi du 31 décembre 1971 et 22 de l’ordonnance de 1945 »

22 juin 2010 : Le texte est voté par l’AN comme par le Sénat (« dans la réalisation matérielle de leurs déclarations fiscales ») et, après encore un examen d’autres articles par le Sénat, cela devient le dernier paragraphe de l’article 2 de l’ordonnance de 1945 sur les experts-comptables en vigueur depuis la publication de la loi réseaux consulaires (loi du 23 juillet 2010).

24 novembre 2010 : les présidents du CNB, du CSOEC et de la Conférence des Bâtonniers font amender le projet d’une autre loi, la loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques, par une disposition dans un article 21 bis qui reproduit le texte rejeté le 10 juin 2010 au Sénat.

Le 8 décembre 2010, il manque au Sénat 12 voix (sur 339 votants) pour que cet amendement soit repoussé. Le 1° de l’article 21 bis transmis à l’AN reprend donc le texte du 27 mai 2010 : « « Les membres de l’ordre et les associations de gestion et de comptabilité peuvent assister, dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative, les personnes physiques qui leur ont confié les éléments justificatifs et comptables nécessaires auxdites démarches. »

 

Paris, le 3 mars 2011.

Vincent BERTHAT
Président

 

 

 

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