Rapport sur la Formation initiale et continue des Avocats
Ce rapport s’inscrit dans le prolongement d’un pré-rapport posant les questions qui nous sont apparues essentielles dans l’optique d’une réforme en profondeur de notre formation.
La formation professionnelle des avocats se présente sous deux aspects :
formation initiale
formation permanente ou continue.
Elle s’inscrit dans des textes, règlements et décisions à caractère normatifs du Conseil National des Barreaux.
La formation initiale comprend :
un volet post universitaire : examen d’entrée aux écoles du Barreau
un volet formateur au sein de l’école sur dix huit mois divisé en trois périodes de six mois
un examen de sortie : le CAPA.
Quant à la formation permanente elle est imposée aux avocats en activité pour parfaire et réactualiser leurs connaissances.
LA FORMATION INITIALE
I L’examen d’accès aux écoles du Barreau
La phase préparatoire de cet examen est enfermée dans un cadre universitaire.
Elle néglige nous semble t-il l’aspect nécessairement pratique que doit offrir la formation des élèves avocats.
Elle s’attache pour sa plus grande part à une connaissance livresque du droit sacrifiant à un exercice de bachotage des matières imposées aux fins d’obtention du diplôme de Maitrise en Droit ; elle omet en particulier dans le domaine judiciaire, d’insister sur le droit processuel, mode d’emploi du droit, et dans le domaine juridique, de former à la rédaction des actes et d’instruire sur la portée et les effets juridiques des clauses y insérées.
Il apparaît donc utile, dans l’optique d’une véritable formation judiciaire, de mettre plus précisément l’accent sur les règles de procédure applicables devant les différentes juridictions.
Et dans l’optique d’une réelle formation juridique, de sensibiliser les futurs élèves avocats à l’économie des différents actes juridiques.
Au-delà de l’appréhension nécessaire des règles de technique juridique et judiciaire, il conviendrait de surcroît, d’inciter les futurs élèves avocats à l’approfondissement de leur culture générale.
Car dans l’exercice de la profession d’avocat, empruntant une image musicale, « technique sans culture n’est que verbe sans accompagnement musical ». La facilité de discourir pour mieux convaincre s’inscrit non seulement dans l’élégance du propos mais par ailleurs dans la rigueur du style qui ne s’acquiert que par la lecture propre à enrichir le vocabulaire.
Il est important enfin d’associer à l’enrichissement culturel, la technique de synthèse. Nombre d’avocats se distingue certes par la maîtrise des techniques juridiques et judiciaires mais la longueur de leurs écrits et la logorrhée verbale nuisent à l’efficacité. L’esprit de synthèse doit régler le débat judiciaire. Car de nos jours la formation des magistrats et les directives qui leur sont données tendent à réduire la période oratoire et à privilégier la procédure écrite même dans les domaines où l’oralité est la règle.
Au bénéfice de ces observations, doit être envisagé un examen d’entrée à l’école des avocats comprenant :
en son aspect juridique, soit un cas pratique qui fasse appel à l’appréhension des règles de procédure et à leur mise en oeuvre intelligente et appropriée
soit, sur des données réelles, la rédaction d’un acte juridique (statut de société, acte de vente sous seing privé, contrat de travail etc….)
en son aspect culturel, un devoir écrit sur un thème de société afin d’apprécier la curiosité d’esprit du futur élève avocat, ses connaissances et surtout ses facultés de synthèse.
Quand au talent oratoire, son enseignement sera réservé à l’école du barreau.
II l’examen de sortie des écoles du Barreau
Il m’apparait que cet examen, dont la mise en œuvre est particulièrement onéreuse pour la profession, doive être supprimé, car demeurant son coût financier, il est peu d’élèves avocats qui en subissent la sanction, la plus grande majorité étant admise.
La formation au sein de l’école du Barreau doit primordialement être pratique pour permettre à l’élève avocat de se familiariser peu à peu à la réalité de son activité professionnelle future.
Un examen traditionnel ne permettra pas d’apprécier réellement si l’étudiant a véritablement assimilé les techniques d’approche pratique nécessaire à son activité professionnelle. Car « réciter par coeur n’est pas nécessairement comprendre ».
Cet examen pourrait dès lors être remplacé par des contrôles d’étapes notés au long de la période scolaire qui permettraient d’apprécier les connaissances des élèves avocats, enregistrées mais surtout comprises.
III l’objet de la formation
observations préliminaires
L’ensemble des textes et décisions à caractère normatif est issu, après débats en externe avec les Pouvoirs Publics et réflexions en interne de la profession au sein de sa Représentation Nationale, d’un consensus que l’on peut sans se tromper qualifier de « mou » et en tout état de cause qui ne satisfait ni l’élève avocat ni les enseignants ni la profession qui accueille ses futurs avocats.
L’on doit ajouter à cela le poids permanent de l’Université qui prétend maitriser la formation des praticiens du droit.
Messieurs les professeurs Serge Guinchard et Jean-Jacques Mousseron ont pu affirmer à juste titre que la qualité des prestations juridiques tient à la compétence de leurs prestataires et que cette compétence suppose la qualité de leur formation.
Ce dernier point est d’importance et doit être souligné.
Mais n’ont-ils pas laissé entendre également que l’université aurait vocation à donner aux futurs avocats et aux avocats en activité la compétence requise ?
Cela d’ailleurs se vérifie dans un grand nombre d’écoles du Barreau, qui privilégient les représentants de l’université aux fins d’enseignement et ne requièrent que de manière insuffisante les avocats en activité, spécialistes ou non, pour assurer la réactualisation des connaissances de leurs confrères comme s’il n’appartenait pas aux praticiens du droit d’informer ceux-ci, dans un esprit pratique, des avancées législatives, réglementaires ou jurisprudentielles.
Il ne nous semble pas, que la Faculté ait plus particulièrement vocation à comprendre les exigences professionnelles des avocats et dés lors à enseigner, au sein des écoles du barreau, le mode d’emploi du droit dans sa pratique au quotidien .L’expérience des prétoires et le contact avec les justiciables, redoutable privilège des avocats, confère à ceux-ci une sensibilité juridique et judiciaire que ne porte pas en elle la vision doctrinale de l’enseignement théorique du droit.
Car le rôle de l’université est et doit se cantonner à l’enseignement théorique des fondamentaux du droit pour assurer à l’étudiant « une tête bien pleine », et il appartient aux praticiens du droit de donner à l’élève avocat » une tête bien faite « .
En effet, l’élève avocat au sortir de l’école doit non seulement maitriser le mode d’emploi du droit, mais avoir également acquis des réflexes nécessaires à son usage ;quant à l’avocat en activité il doit retirer de la formation continue une connaissance pratique et immédiatement utilisable des évolutions du Droit.
Force est cependant de constater que cette règle de bon sens n’est que partiellement respectée et que s’ajoute à une approche par trop théorique ou insuffisamment pratique du droit, une grande disparité au niveau de la qualité de la pédagogie génératrice d’inégalités dans la formation.
Nous sommes actuellement très éloignés d’une formation essentiellement pratique.
Il est en effet des formations, données en d’autres domaines, dont nous devrions nous inspirer telles que la formation des secrétaires d’avocats au sein de l’ENADEP ou celle des ouvriers du bâtiment, des techniciens automobile pour n’en citer que quelques uns.
Elles permettent à l’élève d’entrer de plein pied sur le terrain de sa future activité.
EN CONSEQUENCE :
1°La formation des futurs avocats doit répondre à deux exigences :
une exigence de professionnalisation
un abandon de l’enseignement juridique théorique
2° La formation des futurs avocats doit répondre de façon générale à trois objectifs :
donner en matière judiciaire, aux futurs avocats des réflexes procéduraux c’est-à-dire leur apprendre à connaitre ,dans la pratique, le mode d’emploi du droit.
les former à la rédaction d’actes juridiques types en les alertant sur la portée juridique des termes employés dans les clauses des actes.
d’une façon générale, les entrainer à l’acquisition d’un mécanisme de raisonnement juridique et procédural applicable à toutes sortes de dossiers pour leur permettre d’acquérir des réflexes.
3° La formation des futurs avocats doit avoir un contenu parfaitement adapté au cœur de métier d’avocat :
Elle doit principalement traiter tout d’abord du judiciaire et du juridique. Elle doit également mettre l’accent sur la mission première de l’avocat de prévention du procès et pour ce faire ,développer les techniques de conseil et de modes alternatifs de règlement des litiges.
Au plan judiciaire
L’enseignement du droit processuel doit être la priorité. On gagne en effet des procès sans aborder le fond par l’application judicieuse des règles de procédure. Rappelons ,à cet égard que les anciens Avoués prés les TGI étaient redoutables car ils maitrisaient parfaitement cette matière top souvent négligée .En outre il faut constater que le plus grand nombre de sinistres professionnels provient de l’absence de réflexes procéduraux ou de la méconnaissance des règles procédurales.
Au plan juridique :
L’on ne s’institue pas rédacteur d’actes sans avoir une approche pratique de cette discipline. Il en résulte la nécessité tout d’abord de connaitre les formes traditionnelles des différents types d’actes choisis ,de les adapter à la situation juridique présentée, en évitant à tous prix de recopier systématiquement des modèles souvent inadaptés à la dite situation et donc facteurs d’erreurs dommageables .Enfin il est impératif que les élèves avocats soient sensibilisés aux effets juridiques des clauses insérées dans les actes . Ne jamais perdre de vue que l’écrit constitue la preuve tangible d’une erreur commise par le praticien rédacteur.
D’une façon générale cette formation est nécessairement composite, car le métier d’avocat impose :
d’apprendre prioritairement les règles du jeu de la profession c’est-à-dire la déontologie
de se familiariser au langage juridique et judiciaire
de prévenir les litiges par des conseils appropriés
d’apprendre à résoudre les litiges autant que possible par les techniques de règlement alternatif des conflits, ou à défaut par la voie judiciaire
dans l’hypothèse du choix de la voie judiciaire, de définir une stratégie en fonction des données de l’espèce, en s’appuyant sur les principes fondamentaux du droit, sur la doctrine, sur la jurisprudence des tribunaux et Cours devant lesquels l’affaire est portée, sur la jurisprudence des juridictions françaises suprêmes et européennes
d’apprendre l’expression orale la manière de convaincre par un développement précis et clair
d’apprendre la rédaction des actes juridiques procéduraux et s’agissant des contrats prévus par les textes ou sui generis , de maîtriser les effets juridiques des clauses conventionnelles.
La parfaite appréhension par l’élève avocat de ces différentes techniques, rendra celui-ci immédiatement opérationnel et le « stage » en cabinet ne servira qu’à illustrer en situation réelle l’acquis obtenu au sein de l’école du barreau.
Au plan de la prévention des procès
En parallèle des disciplines traditionnelles, d’autres domaines sont à explorer dans la perspective de la prévention des procès qui nécessitent réflexion sur la manière de les enseigner Il s’agit principalement :
de la transaction
de la négociation
de la médiation
de l’arbitrage
Disciplines nouvelles, encore mal ou insuffisamment appréhendées dont les Avocats doivent impérativement s’emparer s’ils ne veulent pas être supplantés par des officines mercantiles.
Cela impose que soit mis en place et développé un enseignement pratique au niveau de la formation initiale mais également de la formation continue car ces disciplines font appel à des données techniques qu’il est nécessaire d’assimiler pour acquérir une pleine compétence.
Au plan des disciplines nouvelles :
Il y a également lieu de réfléchir et de mettre en œuvre un cadre formateur essentiellement pratique qui permette aux futurs avocats (mais également aux avocats en activité) de se familiariser :
à la fiducie et à ses règles strictes de gestion
a l’activité d’agent sportif et à ses formes de contrats nationaux ou internationaux
à l’activité de mandataire liquidateur
à l’activité d’agent immobilier
à la nouvelle procédure de la question prioritaire de constitutionnalité etc
Au plan du droit Européen
Un effort particulier doit être fait dans ce domaine afin que cette discipline ne soit plus traitée comme une « spécialité. »Le droit Européen est le droit positif applicable à tous les Etats Membres .L’on doit déplorer en effet que Magistrats et Avocats persistent à débattre autour des règles du droit positif français en oubliant le principe de la summa divisio qui donne au droit européen primauté sur le droit français.
4°La formation des futurs avocats doit s’inscrire dans une méthode commune à toutes les Ecoles du Barreau
Dans cette optique la formation doit comprendre dans un premier temps une autoformation par mise à disposition de l’élève d’un recueil juridique et judiciaire (en particulier le guide procédural pédagogique rédigé par M. LECA d’ailleurs mis par le conseil national des barreaux à la disposition des écoles des avocats.)
Cette autoformation sera enrichie par une formation de terrain au sein de l’Ecole à partir de l’étude de 10 à 12 dossiers en situation réelle, véritables standards préétablis en toutes matières ,comportant des difficultés juridiques et procédurales que l’élève devra résoudre.
Il s’agit ,en particulier de donner à l’élève avocat certains réflexes procéduraux pour lui éviter qu’un dossier bien construit au fond ne se heurte à un obstacle procédural rendant inutile le travail accompli.
Ces dossiers standard comprendront des phénomènes d’arborescence juridiques et judiciaires qui inciteront l’élève avocat à la réflexion et à la construction d’un raisonnement juridique sur des bases de droit et de procédure judicieusement choisis tant au niveau :
de la consultation écrite ou orale
de la qualification juridique des données de l’espèce
des chances de succès en regard de la jurisprudence du moment
du choix des modes de règlement du litige judiciaire ou alternatif
du choix du type d’acte à rédiger
A l’occasion de l’étude de ces dossiers, l’accent devra être mis sur :
les délais de prescription, les caducités, les fins de non-recevoir,
les exceptions de procédure et notamment leur manière de traitement au niveau des différentes juridictions
les règles de compétence
les formes et nouvelles conditions de recours
les modes et difficultés d’exécution des décisions
le respect du principe du contradictoire dans tous les cas etc….
Ceci à titre indicatif et non limitatif.
Chaque étape d’étude d’un cas pratique devra faire l’objet d’une présentation par un praticien du droit. Le dossier devra être analysé, depuis la réception du client jusqu’à sa clôture par des intervenants différents ;mais tous ces intervenants en charge d’une étape de ce dossier devront préalablement se concerter pour déterminer les limites de leurs interventions respectives afin d’éviter confusions et redites.
5° La formation des élèves avocats devrait être duelle dans sa durée
Pour répondre aux exigences de la Formation en Ecole et de son application dans le cadre réel d’un Cabinet d’Avocat.
18 mois au sein de l’Ecole
dont 6 mois en Cabinet d’Avocat
IV la qualité de la formation
Les intervenants ne possèdent pas tous les mêmes qualités pédagogiques et en tout état de cause, n’obéissent pas à des règles basiques identiques de pédagogie.
D’aucuns se contentent de reproduire le schéma universitaire, d’autres « récitent » leurs spécialités, car en raison de leur grand savoir ils demeurent souvent éloignés d’une approche simple et compréhensible de la matière.
Les décisions du CNB tendent à assurer chances égales de formation pour tous les élèves avocats mais sans tenir compte de cette difficulté.
Ne pourrait-on pas en effet envisager, pour assurer cette égalité, d’imposer aux intervenants de se soumettre à une formation des formateurs, comme cela a été organisé depuis de nombreuses années à mon initiative à l’époque où je présidais aux destinées de l’Ecole Nationale de Droit et de Procédure. Car la Formation est un métier qui obéit à des règles pédagogiques et le meilleur avocat peut être dépourvu de ce talent particulier. Tout le monde en effet ne peut se prétendre formateur sans être imprégné d’une certaine technique pédagogique.
Mais que l’on ne se méprenne point, cette proposition ne saurait remettre en question la compétence des différents intervenants ; elle n’a pour but que d’appliquer dans toutes les écoles du Barreau, une technique basique pédagogique uniforme qui se trouvera enrichie par l’apport de chacun des intervenants afin que tous les élèves avocats de France bénéficient à tout le moins d’une même formation de base.
Le talent de l’enseignant ne sera d’aucune manière affecté parla mise en place d’un cadre pédagogique commun applicable à toutes les écoles.
VI les structures de formation des avocats
Au niveau des structures consacrées à la formation initiale mais également à la formation permanente, la question est de savoir si l’on doit conserver plusieurs écoles régionales d’un coût financier évident, inégales en leurs prestations et peu propices à l’unification des méthodes pédagogiques et à la professionnalisation des intervenants.
Déjà le premier délégué à la formation du CNB, en 1992, le Bâtonnier Denis Lequai déclarait que le professionnalisme ne pouvait être mis en œuvre que dans le cadre de structures de taille suffisante et prônait le regroupement de peur de maintenir en nos provinces une concurrence dérisoire entre les centres, devenus écoles du barreau , en particulier au niveau de la formation continu.
Cette concurrence est d’ailleurs vérifiée lorsqu’on constate que ces écoles présentent chaque année de véritables « catalogues de la Redoute » offrant une myriade de thèmes de formations dont certains sont sans intérêt et auxquels beaucoup sacrifient pour répondre aux exigences des vingt heures de formation continue.
Certes, le Conseil National des Barreaux propose des thèmes, ce qui n’empêche pas les écoles de pratiquer la surenchère « pour faire mieux » que les autres écoles.
Perte de temps, perte d’argent, perte de substance, une réflexion approfondie s’impose sur le maintien ou non de ces outils divers de formation éparpillés sur toute la France.
Ce qui amène tout naturellement à réfléchir, de manière prospective, à une formation commune, déjà depuis longtemps proposée, jamais mise en œuvre, pour des raisons corporatistes ou politiciennes entre magistrats et avocats, ce qui permettrait et favoriserait d’ailleurs le passage de l’avocature à la magistrature et vice versa.
Il y a eu de nombreuses études sur ce point ; il convient de les reprendre pour en faire analyse et synthèse et retenir de ces projets l’essentiel pour le proposer à nouveau à la réflexion commune de la profession et des juges.
VII Le statut de l’élève avocat
Le stage a été supprimé et l’on peut le regretter ; cependant, dans le cadre de la formation au sein des écoles du Barreau, l’élève avocat doit faire »un séjour de 6 mois » en Cabinet d’Avocat pour favoriser son intégration progressive dans la fonction qui sera la sienne.
Cet élève d’avocat demeure libre dans le choix de la formation qu’il estime la mieux adaptée à ses goûts et ambitions professionnelles : juridiques, judiciaires etc.au cours du »séjour »en cabinet.
Mais chaque élève avocat doit également avoir une culture générale du droit, une formation commune de base qui lui permette d’appréhender comme il convient les différentes facettes de la pratique du droit.
Ce « séjour » hors école dans le cadre d’un contrat en alternance pose cependant deux questions non encore réglées.
Est-il élève assujetti à l’école ?
Est-il « l’employé » du Cabinet d’accueil ?
L’on sait que l’élève avocat perçoit de par la loi une rémunération de » son maitre de stage », mais cette rémunération doit-elle être assujettie aux charges sociales, comme si cet élève avocat était un salarié du Cabinet.
D’aucun le soutiennent, puisqu’actuellement la CREPA perçoit les cotisations patronales pour les élèves avocats.
Or ceux-ci semblent avoir toujours le statut d’étudiant puisqu’ils sont rattachés à l’école du Barreau mais n’ont en aucun cas la qualité de salarié, sauf à devenir s’ils le jugent utile, au sortir de l’école, avocat salarié, ce qui les intégrera dans le statut de droit commun.
Cette question n’est pas neutre, parce qu’elle déterminera la volonté, pour les avocats en exercice, d’accueillir ou non les élèves avocats au sein de leurs Cabinets.
Une réflexion doit être portée sur le statut que l’on veut donner à l’élève avocat.
En tout état de cause, l’organisation d’un stage en Cabinet au profit d’un élève avocat génère un coût correspondant au temps passé par le « maitre de stage » pour assurer la formation mais également une charge financière contrepartie du travail accompli par »le stagiaire »au sein du cabinet formateur.
Rien n’interdit, dés lors, durant cette période de formation en Cabinet, que »maitre de stage et stagiaire » bénéficient du régime du contrat d’apprentissage.
Et reprenant en cela un rapport présenté devant le Conseil National des Barreaux le 19 novembre 1997, il devrait être envisagé de faire reconnaitre les écoles des Barreaux, comme des établissements autorisés à collecter la taxe d’apprentissage.
Mais cela relève d’une volonté politique.
LA FORMATION CONTINUE
Elle est désormais prévue par l’article 14-2 de la loi du 31 décembre 1971, son décret d’application du 27 novembre 1991 articles 85 et 85-1 et par une décision à caractère normatif du conseil national des barreaux.
L’ensemble de ces dispositions impose aux avocats en activité un minimum de 20 h de formation par an pour assurer une réactualisation de leurs connaissances.
L’on doit malheureusement déplorer que les vingt heures de formation imposées annuellement aux avocats en activité à peine de sanctions ne soient que modérément suivies.
Et d’autre part il est patent que si les avocats s’obligent à participer à ces séances de formation c’est pour répondre pour un grand nombre aux exigences de la loi.
Cette défection ou ce désintérêt pour certains, procède de deux facteurs ,aux dires des avocats assujettis à cette obligation nécessaire :
d’une part, les formations offertes sont certes diverses mais ne répondent pas toujours aux réelles attentes des avocats. L’on retrouve dans les catalogues de formation des disciplines traditionnelles ;mais l’accent est rarement mis sur des matières correspondant au Marché économique régional et donc à un potentiel d’activité nouvelle.(exemple toulousain capitale de l’aéronautique :aucune formation dans une optique prospective sur le droit aérien, sur les contrats nationaux et internationaux de vente de matériel aéronautique, sur le cadre juridique de fabrication des avions)domaine laissé à la concurrence européenne et internationale.
d’autre part et surtout l’on peut regretter que l’enseignement dispensé soit plus théorique que pratique et ne soit que la redite de données juridiques déjà connues par des praticiens aguerris.
Cela est dû à l’intervention accrue d’universitaires qui certes rappellent brillamment les principes fondamentaux du droit mais ne répondent pas à l’attente des praticiens confrontés au quotidien à l’évolution galopante des textes et de la jurisprudence.
Qui mieux qu’un avocat, spécialisé dans un domaine déterminé, en contact permanent avec la réalité des prétoires et la vie active des justiciables peut appréhender la portée des textes et des décisions de justice de manière pratique. Le droit certes est objet passionnant d’interprétation doctrinale mais il est surtout matière vivante et nos confrères attendent des intervenants qu’ils leur donnent « des recettes » immédiatement utilisables.
La réactualisation des connaissances doit passer par une approche pratique des données juridiques et jurisprudentielles nouvelles.
S’agissant de l’approche des textes nouveaux l’exégèse qui en est faite peut satisfaire l’esprit mais ne donne pas les clés de leur application pratique nécessaire aux praticiens du droit ;en l’absence de jurisprudence, une recherche sur la portée de ces textes nouveaux et sur leurs interprétations possibles seraient pleinement profitable au praticien en quête de solutions pratiques, seul moyen d’enrichir la connaissance de celui qui en aura l’usage.
S’agissant de l’étude de l’évolution jurisprudentielle seule l’expérience de terrain permet une analyse affinée du pourquoi et du comment des décisions de justice Le rôle de l’enseignant sera de dénoncer ,à la lumière de son expérience, les déviances et les obstacles, mais surtout de mettre en exergue les points intéressants susceptibles d’être utilisés dans la recherche d’une solution favorable applicable à un cas de figure.
C’est de cette façon que la réactualisation des connaissances offerte par les écoles du barreau suscitera l’intérêt. Prenons à cet égard exemple des formations dispensées au sein du Conseil national des barreaux qui par un rapprochement harmonieux de l’université et du praticien, à partir des principes fondamentaux du droit revus à la lumière de l’évolution de la Société, donnent à l’avocat en activité matière à réflexion pratique.
Ce rapport n’a pour ambition que d’apporter sa contribution à la réflexion menée au sein du conseil national des barreaux sur une réforme annoncée de notre système de formation initiale ou continue afin d’adapter celui-ci aux besoins actuels de la profession d’avocat et de rendre ainsi nos confrères parfaitement compétitifs sur le marché concurrentiel du droit.
Gardons-nous en effet de nous limiter à des propositions de replâtrage qui seront à l’évidence insuffisantes pour assurer une modernisation de notre formation et une adaptation aux besoins de droit de notre société actuelle.
Toulouse, le 12 novembre 2012.
Jean de CESSEAU
Président d’Honneur de la Confédération nationale des Avocats
Président de la Commission Formation de la CNA.