Discours de Me Jean-Louis SCHERMANN, Président de la CNA, le 19 juin 2009 : « Manifeste pour la profession d’avocat de demain »

 
La CNA avait  relevé le caractère exceptionnel de la mission que le Chef de l’Etat avait confié à notre confrère DARROIS, dès lors qu’il était affirmé que les avocats sont des « indispensables auxiliaires des progrès économiques, sociaux et des avancés démocratiques »

Nous ne pouvions que partager une analyse tendant à souligner la fragilité des cabinets d’avocats français face aux nouveaux défis de l’Europe et le sentiment qu’il y avait urgence à mettre en œuvre une réelle politique de Défense Nationale juridique face à la concurrence de droits et de juristes étrangers.

L’objectif était de créer une grande profession du droit

Chaque organisation a adressé sa propre contribution, celle de la CNA a été sans nul doute la plus complète (à consulter sur notre site https://cna.wp2.siteo.com)

Nous pensions et continuons à penser que la grande profession ce n’est pas faire du mécano et ainsi de créer un homme nouveau du droit qui aurait la tête d’un avocat, les bras d’un notaire, etc…

Ce n’est pas de permettre à d’autres de faire ce que nous faisons.

La grande profession c’est permettre aux avocats d’embrasser tous les domaines où le droit intervient dès lors que cette activité est compatible avec nos règles déontologiques.

Pour autant il faut rester clairvoyant, si  les avocats français n’ont pas les moyens de leurs ambitions ce sont en réalité les cabinets non français installés en France, ou quelques cabinets français, qui occuperont les nouveaux domaines d’activité.

Nous ne pouvions donc accepter cette idée que si elle s’accompagnait  de réformes efficaces sur :

         le monopole de l’exercice professionnel du droit, 
         une formation unifiée, 
         la modernisation des structures d’exercice ses modes de financement,
         les techniques juridiques nouvelles
         la gouvernance
        l’accès au droit

Dans notre contribution nous affirmions notamment :

notre opposition aux capitaux extérieurs qui peuvent se résumer à la damnation de Faust : nous touchons une fois et devons des comptes à vie.

Nous proposions en revanche que les avocats puissent exercer dans une pluralité de structures et développer des groupements d’intérêts économiques pour associer des compétences et des énergies.

Nous avons détaillé  les nombreux obstacles, notamment fiscaux, qui entravent ou rendent couteux les changements de structures.

Ainsi nous avons mis en avant des solutions pour que les professionnels libéraux  et en particulier les avocats cessent d’être des entrepreneurs défavorisés fiscalement et socialement.

Nous avions notamment soutenu l’idée que les professionnels libéraux puissent comme les salariés liquider leur droit à retraite et continuer à travailler, projet depuis devenu réalité grâce à l’action de nos représentants notamment à l’UNAPL.

         que l’accès au droit  ne saurait être résumé à la seule question de l’aide juridictionnelle, alors que cette question doit être abordée après que toutes les autres concernant l’honoraire auront été traitées : accès pour les particuliers, force des conventions d’honoraires, exécution à titre provisoire des décisions des bâtonniers, assurance procès, évaluation de la répétibilité des honoraires libres, réelle rémunération des actes de procédure

        l’émergence de techniques juridiques nouvelles, l’audit juridique, l’institution d’un commissariat au droit, la cession des biens immobiliers, la mise en œuvre d’une instruction civile, les actions de classe ou de groupe

        que la gouvernance ce n’est pas la mise en cause de nos barreaux, mais une réflexion sur les compétences partagées notamment celles ayant trait aux conflits entre avocats ou avec les clients.

C’est aussi l’affirmation du rôle et des compétences du CNB lieu d’unité de la profession. La CNA n’a pas oublié qu’à chaque fois que la profession a été unie elle a gagné, cela a été vrai notamment dans les débats sur la loi sur l’assurance procès mais également devant la commission GUINCHARD.

Un CNB expression des ordres d’une part et des avocats au travers de listes syndicales était un compromis satisfaisant au regard de ses compétences à la fois politiques mais également déontologiques. La question demeure sur le meilleur équilibre pour assurer une juste représentation de tous les barreaux.

Nous connaissons aujourd’hui les conclusions du rapport DARROIS, elles suscitent après des espoirs et des appréhensions, des interrogations et des craintes.

Loin d’être négatif ce rapport contient tout de même des propositions que la CNA ne peut accueillir.

La CNA a donc  appelé ses membres et au-delà tous ceux qui veulent réfléchir avec elle à participer à un large débat.

Nous n’ignorons pas et ne craignons pas de reconnaître que sur tous ces sujets les idées des uns ne sont pas forcément celles des autres et ce au sein de notre syndicat.

Il n’y aucun sujet tabou, il ne saurait être question d’opposer des prétendus modernes à des prétendus anciens, il s’agit de débattre de l’avenir, du notre mais aussi de celui de nos concitoyens que nous conseillons et dont nous défendons les droits.

Nous n’entendons pas pour autant limiter nos discussions au seul rapport DARROIS.

La CNA a été la première à mettre en lumière au vu des constations du Conseil de l’Europe (rapport du CEPEJ) la situation lamentable de la justice française comparée à celle de ses partenaires. Il existe un rapport constant de 1 à 2 que l’on compare le budget des services judiciaires par habitant le nombre de juge ou le nombre de greffiers par juge. Nous en sommes réduits à apprendre ce 19 juin que des juridictions sont dans l’incapacité d’assurer leurs paiements.

Une réflexion sur notre avenir ne peut s’affranchir de la nécessité d’un effort tendant à voir le budget des services judiciaires doubler en 5 ans c’est-à-dire passer de 3.5 à 7 milliards d’euros, or entre 2004 et 2006 il n’a augmenté que de 6%, à cette allure il nous faudra plus de 25 ans pour arriver à un objectif qui sera largement dépassé par nos voisins !

La CNA affirme de la même manière que l’avenir de notre profession ne peut être sérieusement envisagé s’il n’est pas répondu à la question de notre activité judiciaire à partir de 2010.

En effet la CNA est convaincue que notre profession est celle du juridique et du judiciaire, elle  n’oublie pas qu’aujourd’hui la plus grande majorité d’entre nous exerce dans le judiciaire qui demeure le cœur de notre tradition. Rien ne pourra être fait si les avocats du judiciaire sont perpétuellement fragilisés.

Nous devons considérer que l’ensemble des rapports commandés par les pouvoirs publics forment un tout indissociable.

Nous devons mettre en perspective les rapports :

du Premier Président MAGENDIE  sur la célérité et la qualité de la justice en première instance et Cour d’appel, dont nous ne pouvons partager la philosophie dès lors qu’il dépossède les parties de la maîtrise du procès, et, pour palier l’insuffisance chronique des moyens de la justice, transfert vers l’avocat les charges de la justice.

du Président LEGER sur la procédure pénale.

de la Commission ayant à traiter  de la nouvelle procédure devant la Cour d’appel à la suite de la disparition annoncée des avoués, dont il convient de relever que la composition à été modifiée en avril au vu sans doute de premières conclusions non conformes aux attentes des pouvoirs publics. La première composition comportait 5 avocats, ils ne sont plus que 3, des avoués y ont été nommés et la plus grande place est laissée aux Premiers Présidents.

Nous ne pouvons pas éluder les questions relevant :

de la représentation devant les cours d’appel et les tribunaux,
du sort de la territorialité de cette représentation,
de la rémunération de l’acte de procédure
de la dématérialisation des échanges,
de la réforme de la procédure,
de l’oralité des débats,
de l’accès aux services de la justice pour l’avocat qui reste le garant d’une justice humaine

Nous n’hésiterons pas à aborder franchement et clairement la question des juristes en entreprise et avocats.

Sur cette question la CNA a marqué son opposition, tout en citant les limites qui sont celles qui existent dans les pays qui nous entourent et connaissent de cette possibilité ;

Devons nous confondre le titre et l’attribut de la fonction ?

Ne faut-il pas écouter ceux qui craignent de voir demain les limites proposées disparaître ce qui permettrait aux avocats en entreprise de plaider pour leur employeur, les clients de leur employeur ou consulter pour les clients de leur employeur, que deviendrait alors l’acte d’avocat ?

Ne faut-il pas entendre les recours devant la juridiction européenne qui lient le secret revendiqué avec la réelle indépendance du professionnel

Faut-il d’un autre coté perdre de vue qu’aujourd’hui les entreprises recrutent leurs juristes dans nos écoles de formation ou au barreau ce qui est la reconnaissance de nos qualités, sans pour autant que ces entreprises participent financièrement à une formation de plus en plus lourde à une époque où les sources de financement de la profession s’amenuisent.

Enfin nous vous appelons à réfléchir sur toutes les idées novatrices que veut promouvoir la CNA pour notre profession ;

Non seulement l’audit juridique mais également la procédure conventionnelle par avocat.

Depuis 30 ans nous entendons parler de déjudiciarisation ce mal qui rogne ronge  notre profession et substitue notamment  aux juges des autorités administratives indépendantes ;

N’est-il pas temps que les avocats aillent reconquérir ces terres perdues

L’avocat n’est-il pas le meilleur conseil pour accompagner nos concitoyens dans ce monde sans juge puisque l’Etat ne voudrait plus en assumer la charge.

Certains ont pu croire que nous rêvions à NANTES  lorsque nous affirmions que l’avenir nous appartient

Un an plus tard nous devons continuer à le démontrer.

                                                   Paris le 19 juin 2009

                                                  Jean-Louis SCHERMANN,
                                                  Président de la C.N.A.   

Nous vous invitons à prendre connaissance des motions adoptées à la suite des travaux du Forum du 19 juin 2009 (voir « motions »)  

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