Editorial de la Présidente de la CNA

Barreau de France n°357 (Eté 2013)

Décidément les temps que nous traversons ne sont pas à la joie,

L’on nous annonce que le pays sera en récession à la fin de l’année,

L’on nous dit que l’exercice de la profession d’avocat serait incompatible avec la poursuite d’un mandat électif parce qu’un ministre a failli,

L’on nous dit que les caisses sont vides et qu’il faut trouver des solutions alternatives au procès pour le règlement des conflits, et que le judiciaire serait démodé.

La profession doute, se cherche mais elle travaille, mais elle réfléchit.

La CNA, inépuisable source d’idées depuis 1921 est pleine de talents individuels et collectifs.

Le travail des élus de la CNA au CNB est important et reconnu.

Le bureau du CNB ne peut décider de tout et il faut rendre grâce au président CHARRIERE-BOURNAZEL d’avoir rendu sa voix à l’assemblée générale du CNB, sans laquelle aucune décision ne peut plus être prise.

Pour autant, le bureau du CNB doit accepter d’associer toutes les sensibilités à ses travaux préparatoires et en tenir compte.

C’est pourquoi la CNA demande que toutes les composantes du CNB n’ayant pas de représentants au bureau participent une fois par trimestre à un bureau élargi pour définir plus collectivement la politique de notre institution représentative nationale.

La CNA avait demandé au président du CNB en février 2012 de créer un groupe de travail pour définir une stratégie de défense et de développement du judiciaire à l’instar de ce que fait depuis 20 ans le CNB pour l’activité de conseil.

Or le bureau n’a pas donné suite à cette demande. Il a fallu attendre que le gouvernement multiplie depuis deux mois les groupes de travail sur les juridictions du 21ème siècle sur l’accès au droit et sur la justice commerciale pour qu’enfin la question soit évoquée devant l’assemblée du CNB.

Nous avons perdu un an et devons réagir dans la précipitation.
Le rapport sur la gouvernance est, à l’heure où j’écris ces lignes, à l’ordre du jour du CNB et le rapport du bureau du CNB est actuellement à l’étude de ses membres.

L’on y cherchera vainement, dans la version qui est soumise le rappel des propositions de la CNA.

En page 3 du rapport il est indiqué que « les avocats sont en outre parmi les professionnels du droit » les défenseurs des libertés et des droits de l’homme.

Notre ami Jean de CESSEAU a raison de s’insurger ; en effet, pourquoi l’avocat « parmi les professionnels du droit » ?

« L’avocat est conseil, assistant, représentant des usagers du droit dans les domaines juridiques et judiciaires.
Accepter l’idée d’une concurrence dans ces domaines avec des chevaliers d’industrie, des agents sociaux, des juristes d’entreprises subordonnés à leur emploi, des hommes de chiffre qui ont à partir de lois scélérates, la faculté d’activités juridiques dans les domaines les plus rentables, c’est nier la profession d’avocat. » (Jean de CESSEAU, président d’honneur de la CNA).

Oui Jean, cette phraséologie est maladroite, elle laisse déjà percevoir bien des renoncements et bien des capitulations.

Concernant le rapport proprement dit :

Sur la représentation :

Bien sûr, la représentation nationale doit être forte, mais pas au détriment de certaines sensibilités professionnelles.

Sur le système électoral :

Il génère actuellement un déséquilibre entre représentation ordinale et représentation syndicale.

La CNA est résolument contre un ordre national qui serait placé sous l’autorité de 34 bâtonniers de Cours ou sous l’autorité d’un double collège général de 16 membres élus au côté de 34 bâtonniers de Cours.

C’est le meilleur moyen pour museler la profession dans sa diversité et pour favoriser une élite au détriment des sensibilités de chacun, qui ne tient pas compte des besoins de l’ensemble.

Veut-on que l’avocat devienne un fonctionnaire de l’AJ ou de la commission d’office ?

Sur les vices-présidences :

N’est-il pas temps de supprimer les vices-présidences de droit du CNB ?

En quoi se justifient-elles encore aujourd’hui où le CNB a pris toute sa place, où son pouvoir normatif est établi et où il donne toute la mesure de son autorité ?

Lorsque la représentation sera diverse, les divergences n’auront plus de raison de s’exprimer à l’extérieur pour en affaiblir l’autorité.

Je voudrais aussi m’exprimer sur les attaques dont la profession a fait l’objet à propos de l’affaire dite «  CAHUZAC ».

La presse s’est déchaînée contre la profession, visant il est vrai les « avocats d’affaires », expression pour le moins fâcheuse et ambiguë, et sans doute reprise à dessein et par malveillance envers notre profession, dans le but de la diviser.

Or la profession est UNE.

Les avocats ont toujours eu une déontologie exigeante qui s’est forgée au fil des années voire des siècles et dont ils sont fiers comme ils sont fiers de leur serment.

Si bien que l’idée pour le moins saugrenue de l’ex président de la République visant, avec le décret-passerelle, à supprimer l’examen de déontologie pour les élus et leurs assistants qui entraient dans la profession est la conséquence directe de la suspicion dont les avocats font aujourd’hui l’objet.

J’apprends que la Garde des Sceaux vient ENFIN de supprimer ce décret-passerelle, il était temps !

Mais le mal est fait.

C’est pourquoi la CNA reprend à son compte la motion du Barreau de Paris votée à la suite de cette mise en cause de toute la profession et qui dit :

Le Conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Paris (…) rappelle que les avocats constituent une profession unie construite autour d’un serment et d’une déontologie forte. La probité, l’indépendance, la prévention des conflits d’intérêts et des incompatibilités sont ancrés dans cette déontologie comme dans le serment des avocats.

Le projet de rendre impossible aux avocats l’exercice d’un mandat parlementaire est proprement scandaleux et fait insulte à tous les membres du barreau.

On ne naît pas avocat, on le devient.

On le devient en se frottant aux prétoires, on le devient en empoignant les dossiers à bras le corps, on le devient en gagnant mais aussi en perdant, on le devient dans le calme de son cabinet, on le devient en domptant la clientèle et non en s’y asservissant, on le devient par les échanges avec les magistrats et les confrères, on le devient en trouvant la faille, on le devient en conseillant, en menant une stratégie du dossier, on devient avocat en respectant les principes essentiels de la profession, la probité, l’honnêteté, la mesure, l’indépendance et le secret professionnel, en les brandissant comme un étendard et l’on est avocat jusqu’à son dernier souffle.

L’avocature ne sera jamais réduite à un carnet d’adresses.

Heidi Rançon-Cavenel,
Présidente
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