Hommage à Robert Badinter

« J’ai l’honneur, au nom du Gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée Nationale, l’abolition de la peine de mort en France ! » Nous étions le 17 septembre 1981 et depuis, Robert Badinter, avec cette voix forte, cet emportement sur ce qui importe et qui ne mérite pas, qui ne mérite plus, la justification ou le prétexte, venait nous rappeler qu’il est des domaines où l’élévation des consciences ne peut se faire que par l’affirmation, haut et fort, faites aux autres, à l’homme de la rue, que le sujet n’est pas négociable, n’est plus négociable. « La justice française ne peut plus être une Justice qui tue ». Plus tard encore, il fera supprimer en 1982, le délit d’homosexualité.

Mais Robert Badinter ne se reposait pas sur l’acquis de son œuvre et il s’engageait encore et toujours dans de nouveaux combats, en rappelant que des hommes et des femmes mourraient pour des idées, des pratiques, pour une appartenance à une race, une ethnie ou une religion. Il était une autorité en action qui rappelait qu’il ne peut y avoir, quel qu’en soit les raisons ou les justifications, une remise en cause de la liberté des êtres à choisir leur voie ou leur vie et qu’il ne peut être admis que soit remise en cause, l’appartenance à un groupe, serait-il minoritaire et quel qu’en soit l’origine culturelle ou naturelle ou encore spirituelle. Robert Badinter avait cette présence que donne la conviction du juste et du vrai et qui tisse dans l’esprit de chacun, l’évidence d’une tolérance, qui forge une réalité qui est une nécessité pour l’amélioration de l’humanité et sa survie. Il combattait l’habitude et le conformisme car ils nous font accepter l’intolérable, sans doute parce que les horreurs sont vécues ailleurs, hors de notre confortable quotidien et que nous n’en sommes pas les victimes directes.

Or, de ce statut de victime ou de persécuté ou de banni du monde, il pouvait en parler. Il n’y a pas de voix autorisée dans la souffrance : il n’y a de réalité humaine que dans le sursaut de notre conscience et dans l’action dans le monde, dans le combat. C’est là que l’avocat reprenait toute sa place et occupait pleinement sa stature, en déployant son art oratoire. Robert Badinter ne s’en servait pas pour condamner mais pour honorer une défense de la tolérance, du respect d’autrui, de la nature et dans cet amour, « qui meut le soleil et les étoiles », pour reprendre l’expression de Dante dans le purgatoire. Or de l’enfer et du purgatoire, Robert Badinter y a préféré le prétoire où il a su distiller avec éloquence, les combats essentiels à sa vie et nous ne pouvons qu’avoir également une pensée pour son épouse, Elisabeth Badinter qui fût de ses combats, comme elle a su se battre pour les siens.

S’il reste un mot, s’il reste une expression, c’est bien le courage que Robert Badinter définissait dans l’exécution : « Le courage, pour un avocat, c’est l’essentiel, ce sans quoi le reste ne compte pas : talent, culture, connaissance du droit, tout est utile à l’avocat. Mais sans le courage, au moment décisif, il n’y a plus que des mots, des phrases, qui se suivent, qui brillent et qui meurent. Défendre, ce n’est pas tirer un feu d’artifice : la belle bleue, la belle rouge, et le bouquet qui monte, qui explose et retombe en mille fleurs. Puis le silence et la nuit reviennent et il ne reste rien ». Robert Badinter a eu tous les courages et il a porté son éloquence dans le cœur des justes ; il rappelait que l’éloquence, « c’est celle qui va du cœur de l’orateur au cœur de l’auditeur ! » Nombre de génération d’avocats et plus simplement d’hommes et de femmes, vous porterons toujours dans leurs cœurs !

Michel AVENAS

Avocat au Barreau de Toulouse

Membre du Comité Directeur de la CNA

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