La Représentation obligatoire en matière sociale devant les juridictions d’appel

(Décret du 20 mai 2016 et décret n°2017-1008 du 10 mai 2017) - Aperçu par Jacques-Henri AUCHE, Avocat au Barreau de Montpellier

 

LA REPRESENTATION OBLIGATOIRE EN MATIERE SOCIALE DEVANT LES JURIDICTIONS D’APPEL

(Décret du 20 mai 2016 et décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017)

Aperçu par Jacques-Henri AUCHE, Avocat au barreau de MONTPELLIER
 

Apports du décret du 10 mai 2017 n° 2017-1008 :

S’agissant de la première instance, il précise les diligences du greffe à différents stades de la procédure, définit le régime de révocation de l’ordonnance de clôture et prévoit la notification à Pôle emploi des jugements rendus en cas d’absence de délivrance par l’employeur de l’attestation employeur (C. trav. art. R. 1234-9 ). Le décret prévoit également que les transactions sont soumises à l’homologation du bureau de conciliation et d’orientation. Il détermine la procédure suivie devant le conseil de prud’hommes en cas de contestations des éléments de nature médicale ayant justifié les avis du médecin du travail organise les modalités de consignation des frais d’expertise.

S’agissant de la procédure d’appel, le décret précise que le défenseur syndical peut adresser les actes de procédure au greffe par lettre recommandée avec avis de réception et que les notifications effectuées entre avocats et défenseur syndical peuvent être effectuées sous cette forme ou par signification.

 

CPC, Article 930-1:

A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d’appel est remise au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur.

Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.

 

CPC, Article 930-2 :

Les dispositions de l’article 930-1 ne sont pas applicables au défenseur syndical.

Les actes de procédure effectués par le défenseur syndical peuvent être établis sur support papier et remis au greffe ou lui être adressés par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

La déclaration d’appel est remise ou adressée au greffe en autant d’exemplaires qu’il y a de parties destinataires, plus deux. Le greffe constate la remise par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l’un est immédiatement restitué. Lorsque la déclaration d’appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l’acte à sa date et adresse un récépissé par lettre simple.

Article 930-3

Les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification.

 

Code du travail, article R1452-2 

La requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud’hommes.

Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l’article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

 

Code du travail, article R1452-4 

A réception des exemplaires de la requête et du bordereau mentionnés au deuxième alinéa de l’article R. 1452-2, le greffe convoque le défendeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La convocation indique :

1° Les nom, profession et domicile du demandeur ;

2° Selon le cas, les lieu, jour et heure de la séance du bureau de conciliation et d’orientation ou de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée ;

3° Le fait que des décisions exécutoires à titre provisoire pourront, même en son absence, être prises contre lui et qu’en cas de non-comparution sans motif légitime il pourra être statué en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par l’autre partie.

La convocation invite le défendeur à déposer ou adresser au greffe les pièces qu’il entend produire et à les communiquer au demandeur.

Cette convocation reproduit les dispositions des articles R. 1453-1 et R. 1453-2 et, lorsque l’affaire relève du bureau de conciliation et d’orientation, celles des articles R. 1454-10 et R. 1454-12 à R. 1454-18.

Est joint à la convocation un exemplaire de la requête et du bordereau énumérant les pièces adressées par le demandeur.

Lorsque le défendeur est attrait par plusieurs demandeurs, le greffe peut, avec son accord, lui notifier les requêtes et bordereaux par remise contre émargement ou récépissé, le cas échéant en plusieurs fois.

Code du travail, article R1452-6 

La reprise de l’instance, après une suspension, a lieu sur l’avis qui en est donné aux parties par le greffier, par tout moyen.

 

Code du travail, article R1454-19-3 

Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux rémunérations échues postérieurement à l’ordonnance de clôture, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

 

Code du travail, article R1454-19-4 

L’ordonnance de clôture ne peut être révoquée par le bureau de jugement, d’office ou à la demande des parties et après l’ouverture des débats, que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; le choix par la partie d’une personne pour l’assister ou la représenter postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le bureau de jugement ne peut immédiatement statuer sur le tout.

 

Code du travail, article R1471-1 

Les dispositions du livre V du code de procédure civile sont applicables aux différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail.

Le bureau de conciliation et d’orientation homologue l’accord issu d’un mode de résolution amiable des différends, dans les conditions prévues par les dispositions précitées.

Ces dispositions sont applicables à la transaction conclue sans qu’il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative. Le bureau de conciliation est alors saisi par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties à la transaction.

 

1.      Présentation générale, imprécisions

Les principaux changements résultant du décret du 20 mai 2016 sont les suivants :

l’appel est désormais « formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire. » (Article R 1461-2, alinéa 2 du Code du travail) : les articles 899 à 930-1 du CPC deviennent donc applicables (en lieu et place des articles 931 et suivants du CPC).

faculté pour le défenseur syndical de représenter les parties devant la Cour (R1461-1 et R1453-2 du Code du travail).

Il faut préciser que le défenseur syndical :

exerce ses fonctions devant les conseils des prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale situés dans la région de la liste sur laquelle il est inscrit (L 1453-4, al. 1 et D 1453-2-4 al. 1 C. Trav.)

peut, lorsqu’il a assisté ou représenté la partie appelante ou intimée en première instance, poursuivre sa mission devant la cour d’appel qui a son siège dans une autre région (D 1453-2-4 al. 2 C. Trav.) (Un recours a été introduit devant le Conseil d’Etat à l’encontre de cette disposition, tenant l’atteinte à l’égalité des armes)

doit justifier d’un pouvoir spécial (R 1453-2 C. Trav.)

L’article R.1461-1 alinéa 2 du code du travail dispose

« Les actes de cette procédure d’appel qui sont mis à la charge de l’avocat sont valablement accomplis par la personne mentionnée au 2° de l’article R. 1453-2. De même, ceux destinés à l’avocat sont valablement accomplis auprès de la personne précitée. » : hors l’application de 905, tous les actes devant être accomplis, dans le cadre du décret Magendie, par ou à l’égard de l’avocat constitué s’imposent également au défenseur syndical.

 

Il est fait obligation aux avocats de communiquer leurs actes de procédure par voie électronique (RPVA), seul le défenseur en étant dispensé (articles 930-1 et 930-2 du CPC).


Plusieurs imprécisions ont été résolues par le nouveau décret et la Cour de cassation :

Il en est ainsi de :

1) la postulation devant une autre Cour d’appel que celle dont l’avocat a son siège professionnel : la circulaire du 27 juillet 2016 est venue préciser que le décret du 20 mai 2016 n’a pas pour conséquence de rendre applicable les règles de la postulation, et donc les règles de la territorialité.

Selon la Chancellerie, un avocat pourrait donc former un appel devant n’importe quelle cour d’appel.

Par deux avis du 5 mai 2017, la cour de cassation a posé le principe suivant :

« Les règles de la postulation prévues aux articles 5 et 5-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ne s’appliquent pas devant les cours d’appel statuant en matière prud’homale, consécutivement à la mise en place de la procédure avec représentation obligatoire ».

Dés lors, et dans la mesure où le RPVA ne permet pas encore à un avocat de former une DA en dehors du ressort de la cour d’appel dans laquelle il est établi, il pourra se prévaloir de la cause étrangère de l’article 930-1 du CPC, et faire appel pas support papier en LRAR (modalités précisées dans l’article 930-1).

 

2) la question de la notification au défenseur syndical :

Cette question est résolue puisque le nouvel article 930-3 du CPC, issu du décret du 10 mai 2017, dispose que « les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie de signification. »

Une telle disposition ne peut qu’être saluée, dans la mesure où cela permet de diminuer substantiellement le cout des procédures d’appel, en évitant  d’avoir recours à un huissier pour tous les actes de procédure (et notamment les notifications de constitution ou des conclusions).

 

Il existe un déséquilibre entre les obligations de l’avocat et celles du défenseur syndical :

1) les obligations afférentes à la constitution :

Il est surprenant que l’article 960 du CPC n’ait pas été en revanche modifié pour tenir compte du défenseur syndical :

L’article 960 du CPC est ainsi rédigé :

« La constitution d’avocat par l’intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.

Cet acte indique :

a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) S’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement. »

 

L’avocat se doit de notifier sa constitution au défenseur syndical (par LRAR ou par voie d’huissier, conformément à l’article 930-1 du CPC, à peine d’irrecevabilité de sa constitution (et donc de ses conclusions qui seraient ultérieurement déposées).

Le défenseur syndical n’est en revanche pas astreint à une telle obligation, l’article 960 ne visant que le défenseur syndical.

2) les obligations afférentes à la signification de la déclaration d’appel (902 et 905-2 du CPC du CPC) :

L’article 902 du CPC n’a pas été modifié pour tenir compte du défenseur syndical :

« Le greffier adresse aussitôt à chacun des intimés, par lettre simple, un exemplaire de la déclaration avec l’indication de l’obligation de constituer avocat.

En cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l’intimé n’a pas constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l’avocat de l’appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d’appel.

A peine de caducité de la déclaration d’appel, la signification doit être effectuée dans le mois de l’avis adressé par le greffe.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné à l’article 909, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables. »

 

L’article 905-1 du CPC (relatif à la procédure à bref délai) n’a pas davantage été rédigé en tenant compte du défenseur syndical :

« Lorsque l’affaire est fixée à bref délai par le président de la chambre, l’appelant signifie la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation qui lui est adressé par le greffe à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office par le président de la chambre ou le magistrat désigné par le premier président ; cependant, si, entre-temps, l’intimé a constitué avocat avant signification de la déclaration d’appel, il est procédé par voie de notification à son avocat.

A peine de nullité, l’acte de signification indique à l’intimé que, faute pour lui de constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, il s’expose à ce qu’un arrêt soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que, faute de conclure dans le délai mentionné l’article 905-2, il s’expose à ce que ses écritures soient déclarées d’office irrecevables. »

 

Le régime ne sera pas le même, s’agissant d’une procédure normale ou à bref délai :

en procédure normale, l’avis ne peut être adressé qu’à l’avocat de l’appelant, si bien que le défenseur syndical ne devrait pas être astreint à une telle obligation,

en procédure à bref délai, l’obligation de signifier la DA court à compter de l’avis de fixation, et donc tant pour le défenseur syndical que l’avocat.

Pour ces deux procédures, il est certain que l’avocat de l’appelant devra toujours signifier sa DA à la partie adverse qui aurait fait le choix d’être représentée par un défenseur syndical ; par nature, l’intimé n’aura en effet pas « constitué avocat ».

 

CONSEIL PRATIQUE : il est préférable de retarder au maximum l’appel, afin de pouvoir se mettre  en état et pouvoir signifier tant la déclaration d’appel et les conclusions par voie d’huissier à la partie adverse par un même acte.

 

2.      Suppression de la règle de l’unicité de l’instance et interdiction des demandes nouvelles

 

L’article 8 du décret du 20 mai 2016 abroge les articles R 1452-6 et R 1452-7 du Code du travail, ce qui implique :

la suppression de la règle de l’unicité de l’instance

la suppression de la règle de la recevabilité des demandes nouvelles en tout état de cause de la procédure, y compris pour la première fois en cause d’appel.

 

La spécificité de la procédure prud’homale disparait et notamment en procédure d’appel, c’est l’interdiction des demandes nouvelles qui est posée par l’article 564 du CPC, avec faculté pour la Cour de le relever d’office !

 

Il conviendra de concilier ces nouvelles exigences avec le principe de concentration des moyens, tel que posé par la Cour de cassation dans son fameux arrêt CESAREO (AP, 7 juillet 2016).

 

En effet, si la deuxième chambre de la cour de cassation pose le principe suivant : « s’il incombe au demandeur de présenter dés l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci, il n’est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits » (Civ., 2ème, 26 mai 2011, n° 1-16.735), la première chambre civile et la chambre commerciale retiennent une conception plus large, confondant moyens de défense et demandes reconventionnelles (Com., 22 mars 2016, n° 14-23.167).

 

Reste à savoir quelle position sera adoptée par la Chambre sociale…

 

3.      Les exigences nouvelles relatives aux conclusions d’appel en matière sociale

Même si l’article R 1453-3 du Code du travail dispose que la procédure prud’homale est orale, il ne faut pas perdre de vue que l’article R 1453-5 du Code du travail est ainsi rédigé :

Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n’est statué que sur les dernières conclusions communiquées.

 

Les conclusions d’appel, en matière social, obéissent désormais aux règles très contraignantes de la matière civile et commerciale d’appel :

exigences de forme des articles 960 et 961 du CPC (à peine d’irrecevabilité des conclusions)

exigences qualitatives : les conclusions répondant aux exigences des articles 908 et 909 du CPC sont celles qui « déterminent l’objet du litige », le nouvel article 910-1 du CPC ne visant en revanche pas les incidents mettant fin à l’instance.

obligation de récapituler les moyens et prétentions développés dans les précédentes conclusions

obligation de récapituler les prétentions dans le dispositif

 

4.      Suppression de la règle spécifique relative à la péremption

Le décret du 20 mai 2016 a abrogé l’article R 1452-8 du Code du travail relatif à la péremption d’instance en vertu duquel le délai de péremption ne commençait à courir qu’à partir des diligences mises à la charge des parties par a juridiction.

 

Désormais, le délai de deux ans commencera à courir à compter des dernières diligences accomplies par les parties conformément aux dispositions de l’article 386 du CPC.

 

 

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