Les avocats n’ont pas à recevoir de leçon de « moralisation »

Editorial du 1er Vice-Président

Après qu’un désormais ancien ministre ait menti ouvertement devant la représentation nationale, pour éviter d’avoir à reconnaître la détention de comptes à l’étranger, le Président de la République et le Premier Ministre ont solennellement indiqué qu’ils souhaitaient une moralisation de la vie publique.

Si le souhait est noble et ne peut-être contesté, les moyens employés en revanche sont extrêmement surprenants et entraînent la colère bien légitime des avocats.

C’est ainsi que l’on entend que le vice proviendrait des parlementaires qui ne seraient pas fonctionnaires et qui auraient donc parallèlement à leur activité de parlementaires une activité professionnelle privée.

Très clairement la profession d’avocats est visée et il nous est indiqué que celle-ci serait désormais incompatible avec un mandat public national.

De qui se moque-t-on ?

Il y a quelques temps, juste quelques mois, les mêmes ou à peu près, inventaient un décret passerelle leur permettant, en cas d’échec aux élections, d’épouser la profession d’avocat sans avoir à en connaître les règles.

Voila qu’aujourd’hui ces mêmes avocats sont accusés d’être à l’origine d’un défaut de moralisation de la vie politique.

Ceux qui ont affirmé cela pêchent manifestement par ignorance.

Notre profession est encadrée, au-delà de son règlement intérieur national, par une déontologie stricte dans laquelle le conflit d’intérêt est strictement interdit et sanctionné par des conseillers régionaux de discipline.

Les Bâtonniers des Ordres sont toujours extrêmement sensibles à ces questions.

II faut encore ajouter que les avocats prêtent serment et que ce serment inscrit dans le marbre guide l’ensemble de leurs parcours professionnels.

Comment peut-on jeter sur l’autel d’une probité souhaitée la profession d’avocat toute entière ?

A l’inverse, nous pourrions souhaiter qu’il soit exigé pour les parlementaires la même probité que celle qui est exigée pour les avocats.

On pourrait souhaiter notamment qu’ils prêtent serment et ce sous le contrôle des juges avec comme sanction l’exclusion du parlement et l’inéligibilité.

Ainsi nous aurions un parallélisme des formes.

Enfin les avocats participent à la vie publique depuis très longtemps, douze des vingt-cinq Présidents de la République, ont exercé la profession d’avocat, ont-ils pour autant sali la France ? Ils l’ont servie quelles que soient leurs opinions, quels que soient leurs bords.

Je ne suis au fond pas convaincu parce que nos parlementaires seront fonctionnaires et surtout pas avocats qu’on serait ainsi assuré de leur probité et de leur moralité.

La morale, la probité sont à  la fois des valeurs et des exigences que chacun doit s’engager à respecter quelle que soit son origine, quelle que soit sa profession, quelle que soit son appartenance politique.

Je demande solennellement que soit publiquement réaffirmé que le respect des règles de déontologie de la profession d’avocat permet par lui-même d’empêcher les dérives imputées à certains.

Nous apprenons aujourd’hui, l’abrogation du décret passerelle dont nous nous félicitons.

Nous regrettons que cela intervienne au moment même où le pouvoir politique veut empêcher qu’un avocat puisse participer à la vie publique de son pays.

Notre but pour obtenir l’abrogation de ce décret était que soit restaurée l’égalité devant l’accès à notre profession et surtout l’obligation pour tous ceux qui y accèdent de maîtriser de la même manière et avec la même sanction les règles déontologiques qui en font la grandeur.

Comme vous le voyez, le CNA agit, veut être entendue, et s’occupera à toute forme de mise en cause de notre profession.

Votre bien dévoué.

Paris, le 17 avril 2013.

Louis-Georges BARRET,
Premier Vice-Président.

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