Lettre ouverte de la CNA au Président du CNB : article 70 quater de la Loi ALUR et le secret professionnel

19 mars 2014

Monsieur Jean-Marie BURGUBURU Président du CNB
22, rue de Londres
75009 PARIS 

Paris, le 18 mars 2014

 

 

Monsieur le Président,

La CNA soutient la démarche du Président du CNB de porter avec ses deux vice-présidents de droit au Président de la République, chargé de veiller au respect de la Constitution et d’assurer, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, les revendication et propositions des avocats sur le secret professionnel des avocats.

La CNA souhaite voir rappelé que le jaillissement des technologies nouvelles impose plus que jamais la tempérance dans leur usage. Il faut non seulement empêcher mais aussi prévenir l’abus de l’efficacité à tout prix qui porte atteinte à notre société de liberté et de progrès en refoulant ses règles et ses valeurs fondatrices.

Notre syndicat rappelle que le degré de protection et de respect effectifs du secret professionnel des avocats est, dans le monde, une mesure éloquente du respect des libertés. Il déplore que notre pays donne parfois un mauvais exemple. Il souhaite que le CNB poursuive au plan national et par sa politique internationale son œuvre en faveur de l’état de droit dont les avocats sont les premiers défenseurs.

La CNA demande au Président du CNB d’assigner à son entrevue avec le Chef de l’Etat un second but.

Le 20 février 2014, malgré la mobilisation unanime de la profession derrière le CNB et en dépit des assurances données par les plus hautes autorités du Gouvernement, le Parlement a adopté un article 153 (ex – 70 quater) de la loi dite ALUR aux termes duquel toute cession de la majorité des parts sociales d’une SCI doit être constatée par un acte reçu en la forme authentique ou par un acte sous seing privé contresigné par un avocat ou par un professionnel de l’expertise comptable.

Le Conseil Constitutionnel est saisi d’un recours parlementaire et sa décision doit être rendue le 24 mars 2014 au plus tard (saisine du 24 février, un mois pour statuer selon le 3ème alinéa de l’article 61 de la Constitution). Le recours paraît avoir de bons fondements car l’article 153 remet en cause les statuts des professions juridiques réglementées tout autant que l’ordonnance de 1945 qui fonde la profession d’expert-comptable et instaure son monopole de tenue des comptabilités et d’attestation de la régularité et la sincérité des comptes de résultats.

Si l’article 153 n’était pas déclaré inconstitutionnel, il conviendrait que le CNB fasse auprès du Président de la République la démarche que vous avez publiquement évoquée.

En ce cas d’échec, le Président de la République aura le pouvoir de demander au Parlement une nouvelle délibération sur l’article 153 (ex-70 quater) qui ne pourra pas être refusée. Il le pourra dans le délai de promulgation de la loi (en vertu de l’article 10, délai de 15 jours après la transmission au Gouvernement de la loi définitivement adoptée) qu’a suspendu le recours en vertu du dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution.

Il revient de toute la France, c’est-à-dire de la métropole et de l’outre-mer, que les  avocats n’acceptent pas ce nouveau pas fait pour installer les experts-comptables parmi les professions juridiques et affaiblir notre profession.

La CNA s’est toujours opposée à l’intrusion des experts-comptables dans le juridique.

L’exercice du droit ne constitue pas une prestation de services marchande indifférenciée, le droit et la Justice qui en impose le respect concourent à la cohésion sociale. L’exercice du droit dans les domaines tant juridique que judiciaire protège et assure les droits de chacun.

Cet exercice doit être assuré exclusivement par des professionnels du droit reconnus par leur formation, leur indépendance, leur déontologie et leur responsabilité.

La Confédération Nationale des Avocats vous appelle de toute urgence, solennellement et publiquement :

          A demander au Président de la République d’agir dans l’étendue de ses pouvoirs constitutionnels pour empêcher et prévenir l’abus des écoutes et surveillances des avocats aux dépens du secret professionnel du aux citoyens.

          A continuer d’agir directement auprès du Conseil Constitutionnel pour appuyer la requête en inconstitutionnalité de l’article 153 déféré.

          En cas d’échec au Conseil Constitutionnel, à exprimer solennellement au Président de la République le sentiment de trahison de la profession face à un texte adopté alors même que le Gouvernement l’avait assurée qu’il n’approuvait pas cette mesure et à lui demander d’user de son pouvoir de provoquer une seconde délibération au Parlement

          A organiser  un mouvement national de mobilisation des avocats.

 Je vous prie, Monsieur le Président, de me croire, avec l’expression de toute ma considération, votre bien dévoué.

 

Louis-Georges BARRET
Président

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