L’introduction du contreseing d’avocat des actes sous seing privé

27 mai 2010, Vincent BERTHAT, Président

Note du Président Vincent BERTHAT

sur l’Avis n°10-A-10 du 27 mai 2010

relatif à l’introduction du contreseing d’avocat des actes sous seing privé

 

 

Note sur l’avis n°10-A-10 du 27 mai 2010 de l’autorité de la concurrence répondant à la demande d’avis de la profession de la profession des experts-comptables et commissaires aux comptes sur le monopole donné aux avocats pour l’acte sous seing privé contresigné par avocat.

Les représentants des experts comptables et des commissaires aux comptes s’inquiétaient de l’incidence que pouvait avoir le contre seing d’avocat des actes sous seing privé sur le marché des prestations juridiques offertes aux entreprises, notamment au DPE–PME sur lequel avocats et experts comptables sont en concurrence pour une part de leurs activités respectives.

Les professions du chiffre faisaient ressortir le risque que l’attractivité du contre seing soit telle, en tant que produit d’appel, que les entreprises y recourent massivement et que cela ait un effet d’entrainement sur les autres services juridiques qui échapperaient en conséquence aux experts comptables au profit des seuls avocats.

Les experts-comptables soulignaient que ce risque est d’autant plus fort qu’ils sont tenus, dans l’exercice de leur devoir de conseil, de proposer aux entreprises utilisant leurs services la possibilité de recourir au contre seing d’avocat pour les actes de leur vie économique et commerciale, sans qu’ils puissent offrir eux-mêmes ce service.

C’est un accaparement du marché amont de la consultation juridique que dénonçaient les experts-comptables.

L’autorité de la concurrence n’a pas manqué de relever que les experts-comptables, grâce à leur monopole de la tenue de comptabilité, sont en relation directe avec les entreprises, sont souvent ceux qui orientent les entreprises, spécialement les PME, vers des avocats, et occupent donc une position avantageuse.

Un des motifs de la décision – l’écart entre les exigences déontologiques de la profession d’avocat et celle de la profession d’expert comptable.

L’autorité de la concurrence a retenu que le principe d’indépendance, la prise en compte spécifique des conflits d’intérêt et l’obligation d’assurer le plein effet de l’acte selon l’ensemble des prévisions des parties qui s’impose à l’avocat, de même que la qualité d’auxiliaire de justice qui lui confère une expérience contentieuse, constitue des garanties d’intégrité et d’expérience de nature à répondre de façon adaptée à l’objectif de renforcement de la sécurité juridique, objectif constituant une justification de la décision de réserver aux avocats l’acte contresigné.

Ces appréciations sont dans la droite ligne de la l’arrêt WOUTERS, rendu le 19 février 2002, par la CJCE. Dans cet arrêt WOUTERS la Cour de Justice a considéré qu’une interdiction d’exercice en commun des professions d’avocats et d’experts comptables n’enfreint pas les règles de la concurrence, en dépit de ses effets restrictifs, dès-lors qu’elle est nécessaire au bon exercice de la profession d’avocat telle qu’exercée dans l’Etat membre concerné (en l’espèce les Pays-Bas).

On voit le rôle protecteur pour la profession d’avocat de ses règles déontologiques contre la volonté d’empiétement d’autres professions. D’ailleurs, les professions qui veulent empiéter prétendent à leur tour de se doter de règles strictes pour se rapprocher du corpus déontologique du barreau, comme on le constate notamment dans le nouveau Code de déontologie de 2007 de la profession de l’expertise comptable.

Bien sûr, cela ne signifie pas que la profession d’avocat doive se corseter de règles déontologiques inutiles pour faire la différence.

La mesure de raison impose seulement de respecter les règles sur lesquelles on cesse d’être avocat.

Paris, le 27 mai 2010

Vincent BERTHAT
Président

 

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