Moins de Juges donc plus d’Avocats

Par Vincent BERTHAT, Président d'honneur, Membre du CNB

MOINS DE JUGES

DONC PLUS D’AVOCATS

La tendance est lourde et mondiale : les états modernes réduisent l’accès au juge.

Le Barreau doit contribuer au maintien de l’état de droit en revendiquant la création d’un nouvel ensemble organisé et unique des « modes de résolution des conflits  avec l’assistance obligatoire de l’avocat.

Le Barreau a le devoir, évidemment, de s’opposer à la déjudiciarisation galopante qu’on constate dans tous nos pays, souvent en violation des traités qui obligent chaque Etat à permettre aux citoyens l’accès au juge et l’assistance par un avocat. Il doit militer pour la revitalisation et la modernisation de l’appareil judiciaire qui est plus dégradé en France qu’en d’autres pays modernes. Les actions de nos instances ordinales, nos syndicats et nos associations de spécialistes peuvent y aider puissamment.

Avec réalisme, le Barreau doit aussi s’engager pour instaurer le principe de l’assistance obligatoire par un avocat quand justice doit être rendue, en recourant à d’autres modes de résolution des litiges. 

Bien sûr, déplorons le scandale des « modes alternatifs de résolution des conflits » quand ces modes sont imposés sans alternative par la pression qu’exercent (plus facilement sur les faibles que sur les forts) les interlocuteurs auxquels les justiciables sont renvoyés comme ils sont imposés par la pression organisée par les lois de procédure mettant obstacle à l’accès au juge et par l’éloignement et l’indisponibilité des juridictions. Déplorons que des justiciables aient à soumettre leurs litiges à des succédanés de juges  auxquels on ne peut souvent reconnaître que leur intégrité et leur dévouement, en étant privés de l’assistance par un avocat. Mais déplorer ne suffit pas.

Si tout avocat est conseil, tout conseil n’est pas avocat.

Veillons à notre titre d’avocat et à être avocat défenseur pour tous et partout. Les discours qui soulignent que le justiciable garde le droit de saisir en définitive le juge trompent dès lors qu’un droit n’est vraiment donné que s’il peut être exercé dans des conditions normales. Le justiciable fait confiance au juge et à l’avocat parce qu’ils sont indépendants et compétents. S’il n’y a pas de juge, si la loi organise des modes de résolution de conflits sans juge, l’évidence est qu’il faut que le justiciable soit assisté par un avocat qui est un acteur de la justice. Le professionnel de la résolution des conflits est l’avocat. Sa déontologie lui impose d’être indépendant, de refuser d’être en conflit d’intérêts, de garder le secret de la confidence obligée de celui qu’il assiste.  

Le besoin de défenseurs indépendants et compétents croît dans nos sociétés.

La globalisation des échanges met chacun en contact avec tous, le nombre de biens et services consommés augmente et, de façon  décisive, les lois, pour adapter l’état de droit à ces mouvements, ajoutent des droits aux droits déjà octroyés aux citoyens. Il en résulte que, comme jamais, aujourd’hui se sont multipliées les situations de conflit d’intérêts et les occasions de litige. Plus qu’à aucune époque précédente l’application du droit (il faudrait dire maintenant « des droits ») exige une expertise en droit.

Les merveilleux moyens d’accès au droit que procure l’Internet pour tous ne dispenseront jamais de recourir à un défenseur indépendant, compétent et expérimenté.

Si donc la décision du juge ne doit plus être la seule façon – ni même la principale – de rendre justice, il faut constituer d’urgence un ensemble unique et cohérent des « modes de résolution des conflits » comprenant les procédures devant les juridictions ainsi que  tous les autres modes de résolution des conflits. L’assistance obligatoire par un avocat doit être le principe pour tous ces modes.

En d’autres mots, et pour se conformer aux perspectives qu’offrent  nos sociétés qui continuent de déjudiciariser, l’avocat, sauf exception, doit assister le justiciable engagé dans tout procédé de résolution des conflits que la loi organise. C’est à ce prix que l’état de droit sera sauvegardé, pour la croissance économique fondée sur la confiance et pour la protection des libertés, et que justice sera rendue autant aux faibles qu’aux puissants.

Le Barreau doit agir avec ce mot d’ordre : MOINS DE JUGES DONC PLUS D’AVOCATS.

Vincent BERTHAT
Président d’honneur de la CNA
Membre du CNB  

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