Note succinte sur le projet de Loi tendant à limiter et encadrer les gardes à vue

17 septembre 2010, Benoît CHABERT, Président de la Commission pénale

 

NOTE SUCCINTE SUR LE PROJET DE LOI TENDANT A LIMITER ET ENCADRER LES GARDES A VUE.

 

 

La semaine dernière, un projet de loi a été rédigé par le Ministère de la justice et des libertés portant sur la limitation et l’encadrement des gardes à vue.

Ce projet de loi fait suite à la décision rendue, par le Conseil Constitutionnel, le 30 juillet 2010 qui, d’une part, déclarait inconstitutionnelles les dispositions sur la garde à vue de droit commun et d’autre part, reportait l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles au 1er juillet 2011.

Ce projet de loi participe ainsi à l’application de la décision prise par le Conseil Constitutionnel.

Cette note succincte résumera, dans un premier temps, les principales dispositions du projet de loi et dans un deuxième temps, abordera les critiques et vigilances que nous devons avoir pour que ce texte soit modifié.

 

I – les principales dispositions du projet de loi :

  • Audition libre : les autorités policières auront la possibilité d’entendre toute personne suspectée librement si la personne convoquée l’accepte.

Cette audition « libre » ne peut excéder 4 heures.

  • La garde à vue : indépendamment de la réintroduction dans le Code de procédure pénale, d’une obligation faite aux services de police d’indiquer à la personne gardée à vue le droit de se taire, l’avocat est avisé dès le début de cette mesure.

    L’entretien d’1/2 heure est maintenu comme celui prévu lors de la prolongation de la garde à vue.

    L’avocat aura d’après le projet de loi, la possibilité de lire l’avis fait à son client de la mesure de garde à vue qui doit préciser les motifs du soupçon.
     

Il aura aussi la possibilité de lire les dépositions effectuées avant l’entretien avec son client.
 

La principale mesure du projet de loi est que selon ce texte, l’avocat assistera à toutes les auditions de son client.

Néanmoins, le texte précise que ; « si l’officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l’enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande (présence de avocat aux l’audition), il est en référé sans délai au Procureur de la république qui décide s’il y a lieu d’y faire droit ».

Cette possibilité offerte à l’OPJ ne peut plus être sollicitée au-delà de la 12ème heure à partir du début de la garde à vue.

Enfin, les observations éventuelles de l’avocat ayant accompagné son client lors des auditons doivent être rédigées par l’avocat sur un document qui sera annexé au dossier.

Enfin, les conditions dans lesquelles une personne suspectée peut être mis en garde à vue sont définies.

Cette mesure ne pourra être prononcée que s’il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement et que la GAV est indispensable pour les nécessités de l’enquête selon les critères qui, dans sa globalité, ressemblent à ceux du placement en détention.

 

II – Critiques du projet.
 

L’audition « libre » : selon le projet de loi, un suspect pourra être entendue sans avocat pendant 4 heures.


Cette mesure est critiquable, néanmoins le texte précise qu’elle ne peut être appliquée qu’avec l’accord express de la personne entendue.

Une réflexion doit avoir lieu pour savoir s’il apparaît raisonnable de lutter contre cette disposition au risque d’affaiblir le combat essentiel sur les points qui vont suivre.

 

Le délai de 12 heures pendant lequel, le Procureur de la République, sur demande de l’OPJ, ait accepté le refus de la présence de l’avocat.

Cette disposition doit être contestée fermement dans la mesure où elle risque de devenir la règle.

En d’autres termes, la garde à vue sans avocat pourra durer 12 heures.

Le texte tout d’abord ne prévoit pas de possibilité pour la personne gardée à vue de contester la décision du Procureur de la République. Il conviendrait, sans aucun doute, si ce délai de 12 heures est maintenu, de prévoir la saisine du Juge des libertés et de la détention pour confirmer ou infirmer la position du Parquet.

Enfin, cette mesure est incompatible avec le nouvel article 73-20 du Code de Procédure Pénale qui disposera, in fine que « sans préjudice de l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue de son entretien avec la personne ni du contenu des procès verbaux qui ont été communiqués, ni du déroulement des auditions ».

Il est inacceptable, alors même que le texte prévoit le secret absolu des éléments constatés lors de l’assistance de son client au cours de la garde à vue de considérer que la présence de l’avocat, pendant les 12 heures litigieuses, peut nuire à l’enquête.

En d’autres termes, la Chancellerie devra s’expliquer sur cette étrange particularité d’un projet de texte qui prévoit ainsi qu’un secret professionnel  peut être violé.

 

les observations de l’avocat
 

L’Avocat peut, selon le projet de loi, rédiger les observations écrites à l’issue des auditions.

Une telle mesure complexe doit être supprimée au profit de la possibilité, pour l’avocat, de formuler des observations qui seront notées sur le procès verbal d’audition de son client.

L’avocat, doit également, pouvoir poser des questions qui seront mentionnées dans ledit procès verbal.

 

Paris, le 17 septembre 2010

Benoît CHABERT,
Président de la Commission pénale de la CNA.

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