Réforme des retraites : Non au régime universel Oui à l’indépendance de notre retraite – Propositions de la CNA

Contribution CNA du 30 janvier 2019

 

 

 

POUR L’INDEPENDANCE DE NOTRE CAISSE DE RETRAITE
DANS LE CADRE D’UNE REFORME GENERALE

 

 

Dès sa création, en juillet 1921, la Confédération Nationale des Avocats (CNA) avait prévu, dans ses statuts, la mise en place d’une caisse de secours et de retraite. En décembre 1921, la loi permit d’y consacrer le droit de plaidoirie. La loi, en 1938, a créé une caisse privée qui a fixé l’âge de la retraite à 65 ans et la durée d’exercice à 40 ans. En 1948, la CNBF, caisse des avocats, est née.

Depuis près de 100 ans, les avocats ont constitué une caisse qui assure une retraite de base fondée sur la solidarité. Elle donne, en effet, à chacun, quelle qu’ait été sa réussite professionnelle, le même droit à pension pour un montant supérieur à celui des autres régimes. Elle gère également la prévoyance et un fonds d’aide sociale.

Depuis 40 ans, nous avons su mettre en place un régime complémentaire à points, aujourd’hui accessible dès le premier euro de revenu, avec des tranches en fonction du revenu dans la limite de 5 plafonds de la sécurité sociale « PASS », un PASS correspondant à un peu plus de 40.000€.

Nous avions su également, pendant des années, proposer aux avocats une « sur-complémentaire » volontaire et déductible, ces deux caractères pouvant la faire considérer comme un produit proche d’un système par capitalisation. Les autorités de tutelle nous ont conduits à devoir fondre ce système avec celui de la complémentaire. Les droits ainsi acquis ont été intégrés dans le système actuel au titre de la complémentaire par répartition.

Notre Caisse y a acquis une expertise et avait, sans doute , de l’avance et préfigurait, bien avant les autres, ce qui serait proposé demain, à savoir, un régime de base égalitaire par répartition avec des assurances privées pour obtenir des rentes complémentaires par capitalisation.

Notre Caisse présente, dans ses comptes, des frais de fonctionnement inférieurs aux ratios prescrits par les autorités de tutelle, ce qui est exceptionnel, notamment, par un effectif de salariés maîtrisé et l’engagement des élus de la profession au service de leurs confrères.

Notre Caisse a assuré l’avenir de notre régime, pour des décennies, avec les réserves constituées par tous les avocats depuis des années. Nous ne pourrions admettre que l’argent des avocats soit détourné par les pouvoirs publics.

Ces réserves représentent 2 milliards d’euros dont 66% garantissent le régime complémentaire.

Si notre régime actuel devait disparaître, les réserves de notre Caisse doivent être préservées pour tous les avocats. Contrairement à ce que prétendent les responsables de la réforme, ces fonds ne sont pas des fonds publics, la question de leur propriété est réelle et devrait, le cas échéant, être soumise au Conseil Constitutionnel.

Nous devons d’ores et déjà nous préoccuper de récréer un régime de capitalisation qui, si le régime actuel devait disparaître, serait consolidé par nos réserves reçues par une structure sans doute distincte que nous devrions également contrôler. Dans l’hypothèse où une telle solution ne pourrait être retenue dans l’immédiat, il faudrait alors que ces réserves constituent de nouveaux droits acquis supplémentaires pour tous les avocats.

Notre régime actuel est financé par les avocats pour les avocats mais aussi pour la solidarité nationale car, si nous ne coûtons rien aux autres, notre régime verse chaque année 85 millions d’euros à un fonds de solidarité pour nos concitoyens qui n’auraient pas assez cotisé, soit une contribution rapportée à chaque avocat qui représente plus de 1.356 euros par an.

Réclamer notre indépendance, ce n’est pas tourner le dos à la solidarité nationale, c’est la maintenir.

Le projet actuel tendrait à créer un régime universel qui regrouperait les fonctionnaires de tout statut, avec tous les autres régimes, dont notre Caisse. Ces autres régimes, dans lesquels les caisses bénéficiaires, soutiennent les caisses déficitaires par le mécanisme de solidarité décrit ci-dessus.

Dans ce régime nouveau, dit universel, tout euro cotisé donnerait droit à la même retraite par répartition.

Cette uniformité cache une réalité qui fera peser sur tous les cotisants, ainsi réunis, le coût des retraites des fonctionnaires qui est aujourd’hui en déséquilibre à hauteur de 30 milliards, couvert par le budget de l’Etat.

Aujourd’hui, la retraite servie aux fonctionnaires représente pour l’Etat une dépense de 60 milliards. En sa qualité d’employeur, l’Etat prélève sur les fonctionnaires actifs 30 milliards sur leur traitement au titre de la cotisation retraite (en intégrant les reversements d’employeurs publics comme la RATP).

Cette situation est à rapprocher du déficit du budget de l’Etat, qui depuis des décennies est supérieur à 60 milliards. Le déséquilibre du régime de retraite des fonctionnaires représente environ 50% environ du déficit du budget de l’Etat

Monsieur Jean-Paul DELEVOYE, Haut-Commissaire à la Réforme des retraites, a précisé, en juin 2018, devant les membres de l’UNAPL (Union Nationale des Professions Libérales, dont la CNA est membre fondateur), que ne seront éligibles au régime complémentaire de retraite que ceux qui auront un revenu supérieur à  3 « PASS», soit 120.000 euros environ, et ce, en raison du poids des fonctionnaires. Aucune explication chiffrée n’a été donnée.

La plupart des Français seront exclus du régime complémentaire, dont la très grande majorité des avocats, comme les autres libéraux, qui ne dégageront pas un revenu annuel supérieur à 120.000 euros avec l’incertitude de pouvoir créer alors des régimes de retraites complémentaires s’il n’y a pas assez de cotisants.

Les salariés sont actuellement éligibles au régime complémentaire dès le premier euro puis à des tranches complémentaires de 1 à 3 «PASS», voire ensuite de 4 à 8 « PASS » pour les cadres. La fusion des régimes ARRCO-AGRIC au 1er janvier 2019 conservera deux tranches : de 1 euro à 1 « PASS » puis de 1 à 8 « PASS ».

Pour autant, nos interlocuteurs du Haut-Commissariat à la réforme des retraites ont soutenu, en décembre 2018,  que ce seuil de 3 « PASS » serait justifié par une harmonisation avec le régime des salariés. L’analyse du régime actuel, et même futur à partir de 2019, de l’AGRIC ARRCO, rappelé ci-dessus, démontre que cette justification est mensongère.

Nous sommes donc fondés à demander à Monsieur Jean-Paul DELEVOYE de communiquer les analyses financières conduisant au taux d’accès à  3 « PASS » et comment, dans le futur, sera équilibré le poids des pensions versées aux fonctionnaires retraités dans le régime universel.

Le régime universel impliquerait aussi un taux de prélèvement identique ou, à tout le moins, nettement supérieur à celui que connaissent les avocats, comme les autres libéraux.

Actuellement, les situations sont les suivantes :

sur les traitements des salariés, le régime de base prévoit un taux de prélèvement de l’ordre de 20%, la retraite versée correspond à 50% du salaire sur la moyenne de 25 ans de carrière.

  pour les fonctionnaires, la base actuelle de la retraite est celle de la moyenne des 6 derniers mois dont le montant est parfois majoré très sensiblement durant cette période, notamment à raison des primes qui, tout au long de la carrière, n’entrent pas dans l’assiette de calcul des cotisations.

  pour les avocats, le coût de la retraite de base est de 1.540 euros, majoré de 3,1% sur le résultat dégagé, ce qui donne droit, pour une retraite à taux plein, à une pension de base de 1.386 euros par mois quel que soit leur revenu d’activité. Les autres régimes de base connaissent un système à points, comme dans notre régime complémentaire.

Ainsi, un avocat qui gagne 30.000 euros par an, soit 2.500 euros par mois, paie au titre du régime de base 2.470 euros, sa retraite de base à taux plein sera de 16.632 euros par an, soit 1.386 euros par mois. Cela est possible par la solidarité interne de la profession liée à la cotisation de 3,1% dont le plafond est de plus de 290.000 euros et par le droit de plaidoirie recouvrable sur la partie perdante du procès ou la contribution équivalente.

pour les autres libéraux (hors médecins) pour un revenu identique de 30.000 euros par an, soit 2.500 euros par mois, la cotisation de retraite est la même, soit 2.470 euros par an, en revanche la pension sera de 11.760 euros par an, soit 980 euros par mois (30% de moins que pour les avocats).

pour un salarié le régime de base représente un taux de prélèvement de l’ordre de 20%, la retraite correspond à 50% du salaire sur la moyenne de 25 ans de carrière.

Ainsi un salarié qui gagne 30.000 euros par an  supporte une cotisation de 6.000 euros par an (dont les deux tiers sont à la charge de l’employeur), pour toucher 15.000 euros par an, c’est-à-dire 1.250 euros par mois. Le salarié, pour un même revenu, supporte donc une cotisation 2,5 fois plus importante que l’avocat et perçoit une retraite 10% inférieure.

La situation du régime complémentaire par points donne aujourd’hui des taux de prélèvements au maximum, pour les avocats un revenu supérieur à  3 « PASS », soit environ 120.000 euros par an, compris entre 8,2 % à 13,7%. Dans une telle situation, cet avocat percevra une pension de retraite, avec la retraite de base, entre 4.000 et 5.000 euros

Les salariés, avec la complémentaire, dont la part patronale, sont assujettis à des taux de prélèvements de l’ordre de 28%.

Demain, devrons-nous cotiser plus du double, voire du triple, et ne recevoir que des pensions de base à points d’un montant inférieur à celle que nous connaissons ?

Cela se confirme puisque, en l’état actuel, il semblerait que pour les libéraux, le taux de prélèvement serait de 28 % jusqu’à 1 « PASS »  (1.540 euros et 3,1% actuellement) et de 15 % au-delà sans avoir d’information sur la valeur du point.

Nous comprenons que, d’ores et déjà, dans le régime universel, les cotisations des avocats, comme celles de tous les libéraux, vont augmenter à des taux bien supérieurs aux taux  actuels.

En cet état, nous n’avons aucune information sur la valeur du point dans ce régime universel et partant aucune idée du montant des pensions.

Il est certain que, si nous nous battions pour être soumis à des taux réduits, le résultat se traduirait par une baisse encore plus importante des pensions futures. Ce ne serait donc pas le bon combat.

La charge prévisible du déficit du régime de la fonction publique peut laisser supposer que non seulement les taux auxquels seront soumis les avocats seront nettement supérieurs à ceux connus actuellement mais que, de plus, les pensions de base, qui seront pour le plus grand nombre les seules, seront en baisse par rapport à celles des salariés actuels.

Nous devons recevoir des informations précises sur les taux de prélèvements et sur  la valeur prévisible du point de retraite du régime universel.

Ne nous trompons pas, cette réforme aura pour effet de permettre à l’Etat d’effacer 30 milliards d’euros de déficit en faisant supporter à tous le surcoût de la retraite des fonctionnaires, puisqu’il n’y aura plus qu’un régime commun, sans que les impôts ne soient, par ailleurs et en compensation, diminués.

Grâce à ce transfert du déficit du budget vers le budget social des retraites, nos gouvernants pourront affirmer que, pour la première fois depuis des décennies, le budget se rapprochera de l’équilibre. Certes mais nous n’aurons plus de retraite comparable à celle qui est versée aujourd’hui.

L’ensemble des régimes, hors ceux gérés par l’Etat, ont, comme celui des avocats, constitué une réserve globale pour 165 milliards d’euros. Ces fonds représentent plusieurs années de déficit du budget de l’Etat. Ils représentent presque la moitié d’une année de pensions versées  à tous les retraités soit 360 milliards.

Parmi eux, l’ensemble des professions libérales ont constitué plus de 25 milliards d’euros de réserves, soit 15% du total, alors que le nombre d’actifs libéraux représente bien moins que 15%. Avec les indépendants, nous atteignons plus de 42 milliards d’euros (25% du total).

 

Réclamer notre indépendance, c’est faire comprendre à tous nos concitoyens que notre combat est leur combat.

Les avocats sont favorables à participer à une réflexion sur la retraite en raison de  l’évolution des métiers et de la mobilité professionnelle. Mais cela ne doit pas passer par la disparition de la CNBF, caisse bien gérée, équilibrée et solidaire.

Voilà notre régime dans lequel un avocat qui gagne 30.000 € verse 2.470 euros de cotisations retraite dont le montant à hauteur de 1.356 €, soit plus de la moitié, est reversé au fonds de solidarité au profit des caisses déficitaires.

Les avocats ne pourront pas accepter que cette réforme ne soit qu’un « tour de passe-passe » pour faire disparaître un déficit.

Nous sommes donc fondés à réclamer des justifications financières précises, d’une part, quant au seuil des 3 « PASS » (en d’autres termes pourquoi 3 et pas moins) et, d’autre part, quant aux taux auxquels seront soumis les libéraux et la valeur du point à prévoir.

Nous sommes légitimes à connaître le sort des réserves car il s’agit des fonds qui appartiennent à ceux qui les ont constitués.

Notre Caisse, la CNBF, en raison de son expérience et ses compétences en la matière doit, sans tarder, créer un régime de capitalisation qui, si le régime actuel devait disparaître, serait consolidé par nos réserves reçues par une structure sans doute distincte que nous devrions également contrôler.

 

Le 30 janvier 2019.


Roy SPITZ
Président

Jean-Louis SCHERMANN
Premier Vice-Président

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